Le seigneur des Steppes
on
ne lui avait pas répondu.
L’officier vira au cramoisi.
— Si je savais ce qu’il pense, cette rencontre aurait
peu d’intérêt, rétorqua-t-il.
Les soldats qui l’escortaient jetèrent des regards nerveux
aux guerriers mongols, prêts à se servir de leurs arcs. Ils avaient constaté la
précision extraordinaire de ces armes et leurs yeux suppliaient le messager de
ne pas commettre une offense pouvant déclencher un massacre.
Gengis sourit.
— Quel est ton nom, homme en colère ?
— Ho Sa. Je suis hsiao-wei de Yinchuan. Une sorte de
khan, si tu veux. Un officier supérieur.
— Je ne te donnerai pas le titre de khan mais sois le
bienvenu, Ho Sa. Renvoie ces chèvres et je te recevrai dans ma yourte, je
partagerai le thé salé avec toi.
Ho Sa se tourna vers ses compagnons et, d’un mouvement du
menton, indiqua la ville, au loin. L’un d’eux lâcha une suite de syllabes
gutturales que Kökötchu et Temüge s’efforcèrent de comprendre. Ho Sa eut un
haussement d’épaules ; les soldats xixia remontèrent en selle et
repartirent.
— Ce sont de beaux chevaux, fit remarquer Barchuk.
Gengis le regarda, hocha la tête, attira l’attention d’Arslan,
qui se tenait parmi les guerriers, et tendit brusquement deux doigts, comme la
tête d’un serpent qui frappe, vers le groupe qui s’éloignait.
L’instant d’après, cent flèches fendirent l’air pour faire
tomber les cavaliers de leurs selles. L’un des chevaux fut tué et Gengis
entendit Arslan fustiger un malheureux guerrier pour son incompétence. Sous les
yeux du khan, Arslan saisit l’arc du coupable et en trancha la corde avec son
poignard avant de le lui rendre. L’homme le prit en baissant la tête d’humiliation.
Les corps gisaient à terre, le visage dans la boue. Sur ce
terrain, les chevaux ne s’étaient pas emballés ; ils demeuraient sur place,
regardant les Mongols d’un œil morne. L’une des bêtes renifla le corps de son
ancien cavalier, hennit nerveusement à l’odeur du sang.
Gengis se tourna vers l’officier furieux qui le fixait en
plissant les lèvres.
— Ce sont de bons chevaux, expliqua le khan.
L’expression de Ho Sa ne changea pas et Gengis ajouta :
— Les mots ne pèsent pas. Il suffira d’un homme pour
porter ma réponse.
Tandis qu’on conduisait le Xixia à la grande yourte, Gengis
regarda ses hommes ramener les chevaux.
— Je choisirai le premier, dit-il à Barchuk.
Le khan des Ouïgours acquiesça, leva un instant les yeux au
ciel. Cela voulait dire que Gengis se réserverait les meilleures bêtes mais c’étaient
tous de bons chevaux, ceux qui resteraient vaudraient quand même la peine.
Bien que la saison fût avancée, le soleil frappait durement
la vallée du Xixia et avait recouvert le sol d’une croûte dure quand Gengis
partit pour Yinchuan. Le roi avait demandé qu’il ne soit escorté que de trois
compagnons, mais cinq mille guerriers firent avec lui la première partie du
chemin. Lorsque Gengis fut assez près pour distinguer les détails du pavillon
de toile planté devant la ville, sa curiosité s’accrut encore. Que lui voulait
le roi ?
Il laissa à regret ses guerriers derrière lui, même s’il
savait que Khasar se précipiterait à son secours au premier signe. Le khan
avait envisagé la possibilité d’une attaque surprise pendant la discussion, mais
Rai Chiang n’était pas un imbécile. Le pavillon couleur pêche, précédé d’un
dais, avait été installé tout près des murs de la ville. Des arcs géants tirant
des pieux à pointe de fer en perceraient la toile sans problème et assureraient
la mort de Gengis. En revanche, le roi était plus vulnérable hors de sa ville :
c’était un équilibre subtil.
Droit sur sa selle, le khan chevauchait avec Arslan, Kachium
et Barchuk des Ouïgours. Tous étaient armés et portaient des poignards
dissimulés sous leur armure au cas où le roi exigerait qu’ils se défassent de
leurs sabres.
Gengis tenta de prendre une expression plus légère en
examinant la tente. Il en aimait la couleur et se demandait où il pourrait
trouver de la soie d’une telle qualité et d’une aussi grande largeur. La vue de
la ville intacte qui se dressait derrière lui fit serrer les dents. S’il avait
trouvé un moyen d’y pénétrer, il n’aurait pas eu à rencontrer le roi du Xixia. On
disait toutes les villes des Jin aussi bien protégées et cette idée le
taraudait.
Les quatre cavaliers passèrent
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