Le seigneur des Steppes
monde pour le voir rencontrer un roi en terre étrangère.
Les deux gardes se placèrent en face de Kachium et d’Arslan,
montrant ainsi clairement que chacun surveillait son homme en cas de problème. De
leur côté, les deux généraux mongols demeuraient impassibles mais prêts à
intervenir. Si le roi avait manigancé leur mort, il ne survivrait pas.
Arslan fronça les sourcils quand une pensée soudaine lui
vint. Aucun d’eux n’avait jamais vu le roi. S’ils avaient devant eux un
imposteur, l’armée de Yinchuan pouvait, du haut des murailles, détruire le
pavillon et ne perdre que quelques hommes dévoués. Il observa attentivement Ho
Sa, mais l’officier ne semblait pas redouter une fin imminente.
Rai Chiang se mit à parler dans la langue de son peuple. Sa
voix était ferme, comme on pouvait l’attendre d’un homme habitué à exercer son
autorité. Il regardait Gengis dans les yeux et aucun d’eux ne battait des paupières.
Quand le roi eut terminé. Ho Sa s’éclaircit la gorge et traduisit d’un ton
soigneusement neutre :
— Pourquoi les Ouïgours ravagent-ils la terre des
Xixias ? Ne vous avons-nous pas toujours bien traités ?
Barchuk émit un grognement mais le regard de Rai Chiang
demeura fixé sur Gengis.
— Je suis khan de toutes les tribus, et notamment des
Ouïgours. Nous agissons ainsi parce que nous avons la force pour le faire, tout
simplement.
Le souverain plissa le front en écoutant la traduction de Ho
Sa. Sa réponse, mesurée, ne trahit aucunement sa colère :
— Feras-tu éternellement le siège de ma ville ? Ton
peuple ne négocie-t-il jamais lorsqu’il fait la guerre ?
Gengis se pencha en avant.
— Je ne négocierai pas avec les Jin. Ton peuple est
pour nous un ennemi aussi vieux que la steppe. Je réduirai tes villes en
poussière. Tes terres sont à moi, je les parcourrai à ma guise.
Gengis attendit que Ho Sa traduise ses paroles. Tous les
hommes présents dans la tente virent le visage du roi s’animer soudain en les
entendant et ce fut d’une voix tendue qu’il répondit. Devançant Ho Sa, Barchuk
assura la traduction :
— Il dit que son peuple n’est pas jin. Si ce sont les
Jin tes ennemis, pourquoi perdre ton temps dans la vallée des Xixia ? De
grandes cités s’étendent au nord et à l’est.
Rai Chiang parla de nouveau, Barchuk hocha la tête en l’écoutant
puis se tourna vers Gengis.
— Je crois que les Jin et lui ne sont plus amis comme
avant. Il ne serait pas mécontent que tu ailles leur faire la guerre.
— En laissant un ennemi derrière moi ? répliqua
Gengis.
Après traduction, Rai Chiang répondit. Ho Sa pâlit en l’écoutant
mais reprit son rôle d’interprète :
— Laisse derrière toi un allié, seigneur khan. Si tes
vrais ennemis sont les Jin, nous te paierons un tribut tant que l’amitié nous
liera.
L’officier avala nerveusement sa salive et poursuivit :
— Mon roi t’offre de la soie, des faucons et des gemmes,
des vivres et des armures. Des chameaux, des chevaux, du tissu, du thé, et
mille pièces de bronze et d’argent chaque année. Il fait cette offre à un allié,
alors qu’il ne l’envisagerait même pas pour un ennemi.
Lorsque Rai Chiang ajouta quelque chose, Ho Sa se risqua à
faire une remarque, que le roi balaya d’un geste vif de la main. Troublé, l’officier
inclina la tête et reprit sa traduction :
— En outre, mon roi te donnerait sa fille Chakahai pour
épouse.
Gengis soupesa la chose en se demandant si la princesse
était trop laide pour trouver un mari parmi les Xixia. Les cadeaux de Rai
Chiang plairaient aux guerriers et empêcheraient les petits khans de comploter.
La pratique du tribut n’était pas nouvelle pour les Mongols, mais c’était la
première fois qu’ils étaient en position d’en exiger un d’un ennemi vraiment
riche. Gengis aurait préféré détruire la ville de pierre, mais aucun de ses
hommes n’était capable de lui proposer un plan valable. Il haussa mentalement
les épaules. S’il trouvait un jour le moyen d’abattre les murailles de Yinchuan,
il reviendrait. En attendant, il laisserait croire aux Xixia qu’ils pouvaient
acheter la paix. On peut traire une chèvre tous les jours, on ne la tue qu’une
seule fois. Il ne restait qu’à obtenir le meilleur accord possible.
— Dis à ton maître que sa générosité est bien reçue, répondit-il
d’un ton ironique. S’il ajoute deux mille de ses meilleurs soldats, avec
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