Le seigneur des Steppes
des
armes et de bons chevaux, je quitterai cette vallée avant la prochaine lune. Mes
hommes démantèleront le fort de la passe du désert. Des alliés n’ont pas besoin
de barrière entre eux.
Tandis que Ho Sa traduisait, Gengis se rappela l’intérêt de
Barchuk pour les bibliothèques des Xixia. Il interrompit l’officier :
— Certains de mes hommes sont des lettrés. Ils
aimeraient pouvoir lire des rouleaux renfermant les connaissances de ton peuple.
Mais pas de la philosophie. Des choses pratiques, des sujets qui intéresseront
un guerrier.
Rai Chiang garda une expression impassible tandis que Ho Sa
peinait à répéter dans sa langue ce qu’il avait entendu. Le roi ne fit aucune
contre-proposition, révélant ainsi sa faiblesse et son désespoir. La rencontre
était terminée. Gengis allait se lever quand il décida de pousser son avantage :
— Pour pénétrer dans les cités des Jin, il me faudra
une arme capable de briser leurs murailles. Demande à ton roi s’il peut me la
fournir en plus du reste.
Ho Sa traduisit d’une voix nerveuse, dans un sens puis dans
l’autre :
— Mon souverain dit qu’il faudrait pour cela qu’il soit
un sot.
— Oui, en effet, répondit Gengis avec un sourire. Le
sol a séché, vous pouvez charger les présents sur des chariots neufs, aux
essieux graissés pour un long voyage. Dis à ton roi que je suis content de
notre accord.
Le visage de Rai Chiang n’exprimait, lui, aucune
satisfaction. Tous se levèrent, Gengis et ses compagnons sortirent les premiers,
laissant le roi et son officier avec les gardes.
— Majesté, n’avons-nous pas envoyé la guerre aux Jin ?
Le monarque tourna un regard froid vers Ho Sa.
— Yenking est à des milliers de lis d’ici, protégée par
des montagnes et des forteresses à côté desquelles les défenses de Yinchuan
semblent dérisoires. Il ne réussira pas à prendre leurs villes.
Les coins de la bouche de Rai Chiang se relevèrent
légèrement.
— En outre, rappelle-toi ceci : « Il est à
notre avantage que nos ennemis se battent entre eux. Où est le danger pour nous ? »
N’ayant pas assisté au conseil des ministres, Ho Sa ne
reconnut pas la citation.
L’humeur des tribus était à la fête. Certes, elles ne s’étaient
pas emparées de la cité de pierre, et cela faisait grommeler les guerriers, mais
les familles étaient ravies du butin que Gengis avait obtenu pour elles. Un
mois s’était écoulé depuis la rencontre avec le roi et les chariots étaient
venus de la ville. De jeunes chameaux blatéraient et crachaient parmi les
moutons et les chèvres. Barchuk passait de longues heures dans sa yourte avec Kökötchu
et Temüge pour déchiffrer l’étrange écriture des Xixia. Rai Chiang leur avait
donné des rouleaux dont les textes étaient en deux langues, celle des Jin et la
sienne, mais c’était un travail fastidieux.
Si l’hiver était enfin venu, le temps restait doux dans
cette vallée. Khasar et Kachium avaient commencé à entraîner les hommes que Rai
Chiang leur avait fournis. Les soldats xixia avaient protesté quand on leur
avait pris leurs chevaux, mais ces bêtes étaient trop bonnes pour des guerriers
qui montaient moins bien que des enfants mongols. On leur avait donné à la
place des chevaux de remonte pris dans les troupeaux. À mesure que les semaines
passaient et que l’air fraîchissait, ils avaient appris à mener ces bêtes
robustes et ombrageuses. L’armée se préparait à partir et Gengis attendait sous
sa tente que Rai Chiang envoie le reste du tribut et sa fille. Le khan se
demandait comment Börte prendrait la nouvelle et espérait qu’au moins la
princesse serait séduisante.
Elle arriva le premier jour de la nouvelle lune, dans un
palanquin très semblable à celui que son père avait utilisé pour la rencontre. Une
garde d’honneur de cent hommes l’accompagnait et Gengis nota avec amusement que
leurs chevaux n’étaient pas aussi beaux que ceux des premiers messagers xixia. Rai
Chiang n’avait pas envie de les perdre aussi, fut-ce pour escorter sa fille.
La litière fut posée sur le sol, à quelques pas seulement de
l’endroit où Gengis attendait, revêtu de son armure. Il portait à la hanche le
sabre de son père et en toucha la garde pour maîtriser son impatience. Manifestement,
les gardes royaux étaient mécontents de devoir livrer leur princesse et leur
déplaisir réjouissait le khan. Comme il l’avait demandé, Ho Sa
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