Le seigneur des Steppes
en silence dans l’ombre
fraîche couleur pêche, descendirent de cheval. Le dais les dissimulait à
présent aux archers et Gengis se détendit un peu en approchant des gardes du
roi.
Nul doute qu’on les avait choisis impressionnants. Quelqu’un
avait réfléchi aux difficultés de l’entrevue. L’entrée du pavillon était
suffisamment large pour montrer au khan qu’aucun assassin n’attendait, tapi
dans un coin, pour le frapper. Les gardes, puissamment bâtis, n’accordèrent pas
un regard à l’homme qui se tenait devant eux, se contentant de fixer, telles des
statues, la ligne de guerriers à cheval rassemblés au loin.
Si l’on avait disposé plusieurs sièges dans le pavillon, il
n’y avait qu’un seul homme à l’intérieur et Gengis lui adressa un signe de tête.
— Où est ton roi, Ho Sa ? L’heure est trop
matinale pour lui ?
— Il vient, seigneur khan. Un roi n’arrive jamais le
premier.
Gengis haussa un sourcil en se demandant s’il devait s’en offenser.
— Je devrais peut-être partir, dit-il. Après tout, c’est
lui qui voulait me voir.
Ho Sa devint écarlate et Gengis sourit. Cet homme lui
plaisait, malgré son sens pointilleux de l’honneur. À cet instant des cors
retentirent en haut des murailles et les quatre Mongols portèrent la main à
leur sabre.
— Le roi garantit ta sécurité, seigneur khan, s’empressa
d’assurer Ho Sa. Ces cors sonnent pour me faire savoir qu’il quitte la ville.
— Va voir combien d’hommes l’accompagnent, ordonna
Gengis à Arslan.
Il fit un effort pour se détendre. Il avait rencontré des
khans et les avait tués dans leur propre tente. Il n’y avait là rien de nouveau
pour lui. Pourtant il se sentait légèrement impressionné, peut-être parce que
le comportement d’Ho Sa éveillait des échos en lui. Il sourit de sa stupidité
et se rendit compte qu’il réagissait ainsi parce qu’il était loin de chez lui. Ici,
tout était différent de la steppe. Il n’existait cependant aucun autre endroit
au monde où il aurait souhaité être ce matin-là.
Arslan revint rapidement et annonça :
— Il vient dans un palanquin porté par des esclaves. Comme
celui de Wen Chao.
— Combien d’esclaves ? demanda Gengis en plissant
le front.
Ho Sa répondit avant Arslan :
— Ce sont des eunuques, seigneur. Huit hommes robustes,
pas des guerriers. Ce ne sont que des bêtes de somme, auxquelles il est
interdit de porter une arme.
Gengis réfléchit. S’il partait avant l’arrivée du roi, les
habitants de la ville croiraient qu’il avait eu peur. Ses guerriers eux-mêmes
le penseraient peut-être. Il pesa les risques qu’il courait : Ho Sa avait
un sabre à la ceinture et les deux gardes portaient une armure. Et maintenant
huit esclaves… Mais un homme peut aussi commettre une erreur en s’inquiétant
trop de ce qui peut arriver. Avec un petit rire qui étonna Ho Sa, il alla s’asseoir
pour attendre le roi.
Les esclaves portaient leur précieux fardeau à hauteur de
poitrine en approchant du pavillon de soie. De l’intérieur, Gengis et ses trois
compagnons les regardèrent poser le palanquin, dérouler sur le sol boueux une
longue bande de soie noire. Puis ils prirent les pipeaux glissés sous leur
large ceinture en tissu et plusieurs d’entre eux se mirent à jouer tandis que
les autres écartaient les rideaux de la litière. C’était une mélodie subtile, étrangement
apaisante, et Gengis, fasciné, regarda Rai Chiang descendre du palanquin.
De stature plutôt frêle, le roi portait une armure qui
convenait cependant parfaitement aux dimensions de son corps. Les lamelles de
fer soigneusement polies étincelaient au soleil. À sa hanche pendait un sabre à
la poignée incrustée de pierres précieuses et Gengis se demanda s’il l’avait
jamais dégainé dans un accès de colère.
Le roi des Xixia adressa un signe de tête aux deux gardes
qui vinrent prendre position à sa droite et à sa gauche. Alors seulement, il
pénétra dans la tente. Gengis et ses compagnons se levèrent pour le saluer.
— Seigneur khan, dit Rai Chiang en inclinant la tête.
Il avait un accent étrange et avait prononcé ces mots comme
s’il les avait mémorisés sans les comprendre.
— Majesté, répondit Gengis, utilisant le terme xixia
que Barchuk lui avait appris.
Avec satisfaction, il décela une lueur d’intérêt dans le
regard de Rai Chiang. Un instant, Gengis regretta que son père ne soit pas
encore de ce
Weitere Kostenlose Bücher