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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de leur différend. Mais Napoléon ne s’obstine pas, cette fois-ci. L’invasion de l’Angleterre sera remise au printemps. Et peut-être faudrait-il tenter d’éviter la guerre.
    Il dicte une lettre pour George III, le roi d’Angleterre.
    « Je n’attache aucun déshonneur à faire le premier pas », dit-il.
    Il fixe Berthier, qui se tient debout près de la table où Méneval écrit.
    L’étonnement du ministre de la Guerre est plaisant. Imagine-t-il que je pense que le roi d’Angleterre acceptera mes suggestions ? Mais il faut les faire. S’il y a une chance à saisir, une seule, je la tente. Et s’il n’y en a pas, l’opinion saura que je veux la paix .
    « J’ai, reprend-il, assez prouvé au monde que je ne redoute aucune des chances de la guerre. Le monde est assez grand pour que nos deux nations puissent y vivre. »
    Le monde peut-être, mais l’Europe ?
    Il déploie les cartes, s’agenouille, pointe sur les grands espaces océaniques des épingles aux têtes de couleurs différentes.
    Ici, à Toulon, l’escadre de Villeneuve. Là, à Cadix, celle de notre allié espagnol, l’amiral Gravina. Et à Brest, la flotte de Ganteaume. À Rochefort, une autre escadre encore, celle de Missiessy.
    Il se redresse. Il prise, il marche une main derrière le dos, sous les basques de son habit.
    — Il suffirait…, dit-il.
    Puis il commence à dicter.
    Parfois il s’arrête, les yeux fixes, comme s’il voyait défiler les escadres devant lui.
    Les flottes de Villeneuve, de Gravina et de Missiessy, dit-il, se dirigeront vers les Antilles, afin d’y attirer l’escadre anglaise, puis elles reprendront le chemin de l’Europe à toutes voiles. À ce moment, Ganteaume sortira de Brest et barrera la Manche où il ne restera que quelques navires anglais, les autres se seront élancés à la poursuite des escadres françaises, vers les Antilles.
    « Résistez, deux jours seulement, Ganteaume. Ne perdez pas de vue les grandes destinées que vous tenez dans les mains. Si vous ne manquez pas d’audace, le succès est infaillible. »
    Alors la Grande Armée de Boulogne passera en Angleterre sur les chaloupes canonnières et les péniches.
    Villeneuve quittera Toulon le 30 mars ; Ganteaume, Brest le 1 er juin.
    Et je passerai la Manche avant le 15 juin .
     
    — Voilà le plan naval, dit-il.
    Si je pouvais commander aux escadres, s’il s’agissait de cavaliers et de grenadiers…
    Il parle devant le général Lauriston qui est entré dans le cabinet de travail.
    — Mais nos amiraux ont besoin de hardiesse, dit-il, pour ne point prendre des frégates pour des vaisseaux de guerre, et des vaisseaux marchands pour des flottes.
    Il serre les dents.
    — Il faut de la décision dans les délibérations, murmure-t-il, et, l’escadre une fois sortie, aller droit au but, et non relâcher dans les ports ou revenir.
    Seulement, il n’est pas le maître des escadres.
    Ces océans, avec leurs coups de vent, leurs lames de fond, échappent à la logique.
    Le 19 mars, à la fin de la journée, Méneval apporte une nouvelle dépêche communiquée par le télégraphe optique depuis Boulogne.
    Le visage de Méneval exprime le désarroi. Napoléon lui arrache la dépêche.
    L’amiral Bruix est mort.
    Napoléon quitte le cabinet. Les portes claquent.
    La maladie et la mort, comme l’océan, sont imprévisibles.
     
    Il ne supporte pas de se trouver ainsi soumis à ce qu’il ne maîtrise pas.
    Voilà déjà le deuxième amiral qui meurt, comme si les affaires navales étaient marquées d’une malédiction. Il repousse cette idée, répète qu’il suffira de deux jours pour traverser la Manche, deux jours seulement.
    Il s’assied, se fait servir son repas sur le petit guéridon d’acajou qui se trouve dans le salon attenant à son cabinet de travail et où il déjeune le plus souvent seul. On lui sert un poulet sauté aux tomates, mais il chipote.
    — Vous voyez bien que vous me faites trop manger, dit-il au maître d’hôtel Dunan. Je n’aime pas cela. Cela m’incommode.
    Il touche son ventre. Il grossit.
    Dunan lui apporte l’habituelle tasse de café, que Napoléon avale vite et, comme cela lui arrive souvent parce qu’il engloutit avec précipitation les plats et les boissons, il a l’impression d’étouffer.
    Il marche, tente de retrouver sa respiration, exige qu’on le conduise dans l’une des forêts des environs de Paris où il va pouvoir, dans le vent et la pluie de ce mois de mars 1805, un printemps

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