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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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se retrouver sans craindre une nouvelle visite de Joséphine et l’un de ses esclandres insupportables.
     
    Joséphine a le visage creusé, la couche épaisse de poudre qui couvre son menton s’écaille, parce que son visage tremble de fureur et d’amertume.
    Il lui sourit, l’entraîne. Comment ne comprend-elle pas que l’amour n’est pas fait pour lui ? L’amour est fait pour d’autres caractères que le sien. Elle le sait, dit-il, c’est la politique qui l’absorbe tout entier.
    Elle ne se déride pas. N’a-t-il pas passé plusieurs heures dans le parc avec Mme Duchâtel, aux yeux de tous ? Elle a été blessée.
    Elle est l’Impératrice, répond-il avec impatience. Il ne supporte pas l’inquisition qu’elle exerce sur lui, elle l’humilie par l’espionnage dont elle l’environne, elle fournit des armes à ses ennemis. Il ne l’acceptera plus.
    Mais qu’elle se rassure. « Je ne veux nullement voir ma Cour sous l’empire des femmes, poursuit-il. Elles ont fait tort à Henri IV et à Louis XIV ; mon métier à moi est bien plus sérieux que celui de ces princes, et les Français sont devenus trop sérieux pour pardonner à leur souverain des liaisons affichées et des maîtresses en titre. »
    Joséphine s’est un peu rassérénée. Elle ne se plaindra plus, murmure-t-elle. Le jour venu, qui ne saurait tarder, dit-il d’une voix devenue gaie, il lui demandera de « l’aider à rompre une liaison qui ne le satisfait plus guère ».
    Il faut rassurer Joséphine. Et puis, n’est-il pas vrai qu’il ne sait plus aimer ?
     
    Il rentre aux Tuileries puis s’en va à Saint-Cloud. Mais il oublie parfois dans quel lieu il se trouve, tant il reproduit les mêmes gestes, s’adonne aux mêmes tâches, voit les mêmes visages.
    — Je suis une bête d’habitude, dit-il à Méneval avant de commencer à lire les rapports de Desmarets, qui dirige la Haute Police, ces services secrets qui espionnent les étrangers.
    Mais les mémoires des espions de Fouché le passionnent autant, comme ceux des cabinets noirs, qui ouvrent les correspondances. Comment gouverner sans connaître les opinions, les conspirations qui se trament ?
    Car les adversaires n’ont pas désarmé.
    Il lit cette anagramme qu’on répand dans Paris :
     
    Napoléon Empereur des Français
    ou
    Ce fol Empire ne durera pas son an
     
    Il déchiffre ces épigrammes que les espions se procurent dans les cafés et qu’on se répète à voix basse :
    Le zèle du préfet mérite qu’on le loue ,
    Mais il a beau sabler, balayer nuit et jour
    Partout où passera la Cour ,
    Partout on verra de la boue .
    Napoléon froisse ces feuilles, les jette à terre, les reprend. Il découvre le texte d’une affiche qu’on placarde au Carrousel, à quelques pas des Tuileries :
     
    Les Comédiens impériaux donneront aujourd’hui
    LA PREMIÈRE REPRÉSENTATION
    DE
    L’EMPEREUR MALGRÉ TOUT LE MONDE
    suivi de
    Le Consentement forcé.
    Spectacle donné au profit d’une famille indigente .
    On se moque du pape Pie VII, Pistache , crient les limonadiers aux grands rires des badauds, rapportent les espions.
    Que fait Fouché ? Que fait donc le préfet de police ? Les rumeurs, les sarcasmes, les pamphlets sont une gangrène qui pourrit le pays. Peut-on laisser moquer le souverain pontife alors qu’il séjourne encore à Paris ?
    Je veux, dicte Napoléon, que le préfet de police surveille au moment du carnaval, en février, toutes les mascarades, et qu’on empêche de courir les rues en habits ecclésiastiques. Et qu’on crée un bureau de police chargé de surveiller les journaux, les théâtres, les imprimeries, les librairies. Et qu’on interdise à qui que ce soit de reproduire les articles des journaux anglais.
    Ce sont nos ennemis.
     
    Il en a l’intuition dès ce début de l’année 1805, c’en est fini du temps des fêtes.
    Il repousse du pied les rapports de police qui jonchent encore le sol de son cabinet de travail. Ces attaques l’ont réveillé, même s’il n’a jamais été englouti par le rêve. Mais il a durant quelques jours de décembre 1804 repoussé ces préoccupations qui maintenant l’assaillent.
    — Nous ne sommes plus au temps des choses aimables et frivoles, dit-il. Il ne faut que du grave et du sérieux.
    Il fait un bref séjour à Boulogne, passe en revue les troupes, monte à bord de quelques chaloupes canonnières. C’est le plein hiver, les vents froids, les tempêtes. Il écoute l’amiral Bruix. Il se souvient

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