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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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se jette sur un canapé, qu’elle cache son visage derrière un mouchoir, qu’elle pleure. Elle ne peut pas renoncer à ses vêtements de mousseline, à cette tunique que toutes les femmes portent, à Paris.
    Elles l’abandonneront, dit-il brutalement. Qu’elle cesse de pleurnicher.
    « Souviens-toi que tu n’as plus quinze ans, ni même trente, pour faire ainsi l’enfant ! »
    Il lui donne quelques instants pour se changer.
    Sait-elle qu’on est en guerre avec l’Angleterre et qu’il a décidé d’interdire les produits d’origine anglaise ?
    Elle est l’épouse du Premier consul. Elle doit donner l’exemple.
    Elle a obéi, choisi un vêtement en tissu taffetas de couleur bleue, ample. Il lui sourit, puis il se dirige vers sa berline de voyage, dont les quatre chevaux piaffent.
    Il va pouvoir continuer à travailler. Méneval a déjà préparé les dossiers enfouis dans les tiroirs qui sont placés à cet effet dans la berline.
    Napoléon donne le signal du départ. La route est ouverte par la première voiture, celle du service, dans laquelle ont pris place les fourriers chargés de préparer le relais. Derrière la berline, une troisième voiture transporte la suite du Premier consul. D’un geste, il a invité Joséphine à monter près de lui, mais elle n’ira pas jusqu’à Boulogne. Elle doit le quitter à Amiens.
     
    Il veut savoir si, dans ces villes du nord de Compiègne, Montdidier, Amiens, Abbeville, la fin de la paix a provoqué un changement dans l’opinion. Il est vite rassuré. L’accueil est partout enthousiaste.
    Il est heureux de se retrouver seul à partir d’Amiens. À Abbeville, tôt le matin, il parcourt les côtes à cheval durant près de six heures. Le vent est frais, la journée belle, la mer calme. Au loin, il aperçoit les voiles d’une croisière anglaise. Il s’arrête. Au bout du regard, dans la brume, il lui semble qu’il distingue les falaises de la côte anglaise.
    À Boulogne, la population est dans la rue pour l’accueillir, bien qu’il y arrive le 29 juin à vingt-deux heures. Il parcourt rapidement les pièces de la maison que, place Godefroy-de-Bouillon, on lui a destinée. Mais il est impatient. Il monte sur la terrasse d’où l’on peut apercevoir le port et la rade qu’éclaire la lune.
    Il reste là longtemps. Au-delà des jetées, c’est comme s’il voyait, à l’horizon, une ligne de front. Il voudrait pouvoir bondir, engager la bataille. Il redescend, convoque le ministre de la Marine, Decrès, dicte, donne des ordres, établit les plans des camps, des ports qu’il veut voir construire ou agrandir.
    Il dort deux heures à peine et, à trois heures quinze, il est déjà sur les remparts. Les ouvriers sont au travail. Il veut tout voir. La côte, les bassins, les premiers éléments des trois forts qu’il a choisi de faire construire.
    On rassemble d’immenses pieux qui seront plantés dans le sable, au milieu de la passe, et sur lesquels on construira une redoute, armée de plusieurs pièces d’artillerie.
    Il se rend sur la falaise d’Odre. Ici, on élèvera des baraques, pour lui et l’amiral Bruix, qui commandera la flotte, et une autre pour les généraux et le ministre de la Marine.
    Il ne ressent pas la fatigue, mais une grande paix. Il agit. Les idées deviennent des actes, des soldats, des ouvriers et des marins.
    À dix heures, alors que le soleil est déjà haut, il fait sortir les canonnières et les chaloupes armées pour qu’elles manoeuvrent sous ses yeux. À ce moment apparaissent deux frégates anglaises, et les canonnières engagent le feu. Quand elles se retirent, les vivats éclatent. Voilà ce qu’il faut aux soldats : le combat, la victoire. Il n’est pas de meilleure façon de donner du courage.
     
    Lorsqu’il rentre à Boulogne, à onze heures, les notables sont là pour l’accueillir. Il voit s’avancer vers lui l’évêque d’Arras, Mgr de la Tour d’Auvergne.
    Il écoute le discours de l’ecclésiastique.
    — Dans ce diocèse, dit d’une voix émue Mgr d’Auvergne, votre évêque d’Arras met sa gloire à augmenter le nombre des amis de Napoléon. Il sent tout le prix du rétablissement de la religion de ses pères…
    Napoléon en est sûr, il tient ce pays. Il tient la « Grande Armée ».
    — Aidé du bon droit et de Dieu, répond-il, la guerre, quelque malheureuse qu’elle puisse être, ne réduira jamais le peuple français à fléchir devant ce peuple orgueilleux qui se fait un jeu de tout

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