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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ce qui est sacré sur la terre…
    Il sait qu’on le suivra là où il voudra aller. De l’autre côté de la mer. Et plus loin encore.
     
    Il va d’une ville à l’autre : Dunkerque, Lille, Nieuport, Ostende, Bruges, Gand, Anvers, Bruxelles, Maastricht, Liège, Namur, Mézières, Sedan, Reims. Il ne se lasse pas de ces réceptions, de ces chevauchées. Il galope en avant d’une petite escorte. Il visite les ports, les fortifications, les églises et les manufactures.
    Il se sent chez lui dans ces contrées qui maintenant font partie de la France. Est-ce la France, ou son Empire ? Le mot lui vient souvent en tête, quand il reçoit les députations bruxelloises, quand, avec le cardinal Caprara, qui a accepté de l’accompagner comme s’il était un souverain – et ne l’est-il pas ? –, il évoque la situation de l’Église de Belgique.
    Il aime cette vie de course, quand il a la sensation physique d’aller plus vite que le temps, de s’élancer vers son avenir.
    À chaque étape, il travaille, il écrit, il dicte. Le 12 juillet, il met au point le plan d’ensemble de descente en Angleterre. Il se penche sur les cartes, vérifie le nombre des bateaux plats dont il a ordonné la construction. Il convoque les amiraux, les ministres, les généraux.
    S’il lui fallait une preuve qu’il est leur chef, il la trouverait en les voyant épuisés, somnolents. Et il faut qu’il leur insuffle son énergie, qu’il les réveille, eux, comme les conseillers d’État qui, lors de la préparation du code civil, s’endormaient durant la discussion des articles.
    D’où lui vient cette force ? Cette impossibilité de rester immobile ? Cette obligation d’aller de l’avant, vite, jusqu’au terme.
    Quel terme ?
     
    Il a trente-quatre ans dans quelques jours. Voilà près d’un mois qu’il a quitté Paris, et quand la berline s’engage sur la route qui conduit au château de Saint-Cloud, ce 11 août 1803, en fin de journée, il pense à tous ces paysages traversés qu’il a dévorés jour après jour, à ce « délire d’admiration » qui l’a accompagné tout au long de ce voyage.
    Il arpente les galeries du château, les salons, retrouve son cabinet de travail et aussitôt commence la lecture des dernières dépêches.
    Il rejette les papiers qu’il vient de lire, serre les poings, prise tout en grommelant. L’énergie qui bout en lui ne trouve plus le moyen de s’épancher. Il s’indigne. L’amiral Truguet lui écrit qu’il faut renoncer à toute idée de descente en Angleterre car la marine n’est pas prête. Mais que sont donc ces hommes-là ? ! L’Angleterre vient de décréter la levée en masse de tous les hommes de dix-sept à cinquante-cinq ans ! Les Anglais, eux, savent que le débarquement est possible. Et ils sont prêts à tout pour se défendre. Quels assassins ont-ils payés ? Georges Cadoudal, une nouvelle fois ?
    Il lit, le visage crispé par la fureur, une lettre dans laquelle un espion assure que le comte d’Artois, en compagnie des généraux Pichegru et Dumouriez, ont passé une revue de troupes en Angleterre. Et Georges Cadoudal aurait gagné la France.
    Brigands ! Ce n’est pas seulement le Premier consul qu’ils veulent tuer, mais le fils de la Révolution. Eux, Pichegru, Dumouriez que la Révolution a faits aux côtés d’un chouan !
    Il se souvient. Il va célébrer la fête de la République et, mieux, accorder une pension à Charlotte Robespierre, la soeur de Maximilien, en souvenir des temps passés à Nice, et parce que, après tout, Robespierre avait cherché à sa manière à fixer le cours de la Révolution et qu’on a fait de lui un bouc émissaire commode.
    Brigands !
    Peut-être Fouché a-t-il raison, et le danger n’est-il pas du côté des vieux jacobins, mais parmi ces brigands à la solde de l’Angleterre et des Bourbons.
    Desmarets, qui a la charge de la Police secrète, ne vient-il pas d’annoncer l’arrestation de deux hommes de Georges Cadoudal, Quérelle et Sol de Grisolle, dont le but ne peut être que de m’assassiner ?
    Mais faut-il accorder de l’importance à ces brigands au moment où je m’apprête à la plus grande des guerres ?
    Il pense aux vers de Cinna , la pièce de Corneille qu’il préfère et dont il récite souvent à voix basse de longues tirades :
    S’il est pour me trahir des esprits assez bas
    Ma vertu pour le moins ne me trahira pas
    Il entre en répétant ces vers dans les salons de Saint-Cloud, où Joséphine

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