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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Agnès. Comment en était-il arrivé là ? Qu’avait-il
à faire de cette gamine idiote qui se pavanait dans les robes retouchées de sa
tante morte en couches, à peine recouverte de terre, sans même s’en scandaliser ?
Agnès serait allée vêtue de hardes de mendiante plutôt que d’accepter d’aussi
inadmissibles cadeaux. Elle aurait marché tête haute, reine parmi les reines,
enveloppée de guenilles, et tous se seraient inclinés sur son passage. Elle
aurait dormi lovée contre le sol comme un chien plutôt que de coucher dans un
lit conjugal déserté. Mon Dieu, comment en était-il arrivé là ?
    Qu’avait-elle tant exécré ? Lui, ou le lien de sang qui
les unissait ? Leur sang commun, bien sûr, il ne pouvait en être
autrement. Ajouter foi en l’inverse achèverait de le consumer. Que savait-elle
de son sang ? Peut-être la mère d’Agnès avait-elle menti pour faire
reconnaître son fruit par feu le baron Robert ? D’ailleurs, son père
Robert, son grand-père, et maintenant lui, dernier mâle de la lignée directe,
avaient semé tant de bâtardes qu’Eudes songeait parfois qu’il couchait avec certaines
de ses sœurs, de ses nièces, de ses cousines, de ses tantes, et même de ses
filles. Eh quoi ? La belle affaire ? Après tout, ne descendaient-ils
pas tous d’Adam et d’Ève ? Adam et Ève n’avaient-ils pas conçu deux fils,
l’un tuant l’autre ? Le sang était commun.
    Une idée se fraya un chemin dans son esprit alourdi de rage,
de jalousie, d’amour bafoué, de désir insoluble. Il avait été mené quand il
croyait être le seul artisan de son stratagème. Certes, il avait rêvé des
années durant de se venger d’Agnès, de lui faire payer son mariage avec Hugues
de Souarcy dans les larmes, et de récupérer son douaire. Pas au point toutefois
de la livrer aux griffes de l’Inquisition. Il fouilla sa mémoire.
    Parce qu’il ne pouvait admettre qu’il n’était qu’une brute guidée
par ses passions, épaissie par son peu d’intelligence, Eudes découvrit le seul
coupable qu’il était capable de reconnaître : Mabile.
    Il grimpa quatre à quatre jusqu’à l’étage des serviteurs où,
depuis son retour au château, sa maîtresse et complice tenait petite cour au
milieu des autres serviteurs. Elle avait habilement insinué que sa fonction
auprès du maître dépassait le seul service de cuisine pour s’élargir au service
de lit. Il n’en avait pas fallu davantage pour qu’elle soit considérée avec plus
d’égards, puisque chacun ignorait l’étendue réelle de ses pouvoirs.
    Eudes la découvrit vautrée sur son lit, léchant un index qu’elle
trempait dans une jatte de miel. Elle salua son entrée d’un sourire coquin et
écarta les jambes sous sa robe. En d’autres temps, en d’autres lieux, cette
invite aurait provoqué son effet sur l’instant. Pas aujourd’hui. Il la souleva
par le col de son vêtement et une gifle violente s’abattit sur la joue de la
fille qui couina :
    — Mais que... ?
    — Tu m’as menti ! Tu me mens depuis le début,
éructa-t-il.
    Manquant de perspicacité, Mabile rétorqua d’un ton peste :
    — Eh bien, mais c’est échange de menteries, en ce cas.
    Une autre gifle, assénée poing fermé, l’envoya rouler au
sol.
    La servante comprit que la fureur de son maître n’était pas
feinte et qu’il était capable de la rouer de coups. Se redressant à quatre
pattes, elle gémit :
    — Monseigneur... que vous arrive-t-il ?
    — La vérité. Je veux la vérité aussitôt. Si tu me mens
à nouveau, je te tue.
    La rage gomma la peur de la fille. Cette gueuse d’Agnès,
elle en aurait juré. Elle se laissa tomber sur son séant et siffla :
    — Quoi ? Serions-nous pris de remords tardifs ?
Il est trop tard, monseigneur.
    Eudes s’avança vers elle. Son pied partit et percuta la
poitrine de la femme assise par terre, lui arrachant un cri de douleur. Elle se
plia, suffoquant, cherchant son souffle. Un rire mauvais la secoua pourtant.
Elle hoqueta :
    — La belle ne doit plus jouer les faraudes, maintenant.
Et si vous me permettez cet avertissement, ne vous dédisez pas dans le but de
la sauver. Le sort que l’on réserve aux faux témoins et aux parjures n’est
guère enviable. Cela vaut aussi pour cette pucelle prétentieuse que vous
traitez en maîtresse des lieux. Il est trop tard, vous dis-je ! Elle va
crever comme elle mérite, la rouée de Souarcy.
    — Qui t’a conseillée ?
    — Ma foi,

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