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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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moins s’Il n’est pas dégoûté de l’accepter, car
elle doit être bien crasseuse.
    Il lui avait octroyé une heure d’avance afin qu’elle s’éloignât
assez du château de Larnay. Quant à la lampe à huile, sa lueur lui permettrait
de la repérer.
    Eudes fonça à travers bois. Le ciel nocturne était dégagé, l’air
vif et grisant. Joli début de nuit pour une exécution. Mabile devenait trop
dangereuse. Cela étant, il suivrait son conseil. Il ne pouvait pas revenir sur
ses déclarations, et encore moins sur celles qu’il avait mises dans la bouche
de son écervelée de nièce. Il repéra bien vite la silhouette. Elle suivait le
chemin, rasant l’orée du bois telle une ribleuse,
prête à se fondre dans les broussailles à la moindre alerte. Elle se tourna d’un
bloc vers la cavalcade et Eudes la rassura d’un large geste de bras. Il
ralentit l’allure de sa monture et s’arrêta à quelques pas d’elle. [41]
    — Je me suis laissé emporter, lança-t-il d’un ton
bourru.
    Mabile leva sa lampe pour déchiffrer le visage de son maître.
Ce qu’elle y lut la rassura, et un sourire vainqueur étira ses lèvres.
    — Nous rentrons, ordonna Eudes.
    Il descendit de selle et s’approcha d’elle. Elle se
tortilla, jouant la coquette, et se laissa aller contre son torse. Deux mains s’abattirent
sur sa gorge. Elle pantela, tentant de lutter, décochant de malhabiles coups de
pieds, visant les yeux de son agresseur de ses ongles. Il serra autant qu’il le
put, râlant sous l’effort. Il lui sembla que quelque chose cédait dans la gorge
de la fille. Mabile rua une dernière fois. Enfin, elle s’amollit. Il relâcha
son étreinte et le corps sans vie s’effondra à ses pieds comme un lourd ballot
de chiffons.
    Il la tira dans les fourrés. Après un regard dépourvu d’affliction
ou de remords, il l’abandonna à quelques toises du chemin, prenant soin de
remonter ses jupes sur sa poitrine. Si on la retrouvait avant qu’elle ne soit
déchiquetée par les bêtes, on conclurait à la hâte qu’elle avait été violentée
et étranglée par quelque vagabond. Sa mise de manante n’encouragerait nulle
diligente enquête.
    Eudes remonta en selle, soulagé. Après tout, qu’était cette
gueuse ? Une servante doublée d’une catin un peu plus rusée que les
autres, voilà tout. D’autant qu’elle avait eu l’outrecuidance et surtout l’imprudence
de lui mentir au sujet du chapelain. Il aurait dû s’en débarrasser plus tôt. Il
avait fait preuve de trop de mansuétude à son égard. Toutes les mêmes, ces
ribaudes. On leur donne un doigt et elles vous gobent le bras tout entier !

 
Abbaye de femmes des Clairets, Perche, novembre
1304
    Le soir tombait. Un vent piquant s’était levé qui malmenait
les volets de bois fermant la porte de l’herbarium. Annelette examinait,
songeuse, le contenu de sa haute armoire d’apothicaire. Elle aimait ces heures
de calme solitude, la sensation de régner grâce à son intelligence sur un monde
qui, bien que limité par les murs épais de la petite maison, était le sien.
    La peur l’avait lâchée, l’inquiétude pour la survie de l’abbesse
aussi. Il n’était plus temps de se satisfaire de réagir à la menace. Le temps d’agir
était venu. Elle était confrontée à une adversaire retorse, perspicace et
sournoise, bref une adversaire à sa mesure. Ce qui avait d’abord été pour elle
une mission  – protéger l’abbesse  – devenait une sorte de bataille
personnelle, un pari vis-à-vis d’elle-même. Serait-elle la plus forte, la plus
rusée ? Son opposante lui donnait, sans l’avoir souhaité, l’occasion
unique d’éprouver ses capacités, de vérifier l’étendue de sa supériorité.
Annelette avait voulu s’en convaincre toutes ces années, mais la preuve
objective lui avait toujours fait défaut. Au fond, elle était convaincue de se
retrouver face à un être dont le cerveau fonctionnait à la manière du sien, à l’énorme
différence près que l’autre avait basculé vers le mal. La soeur apothicaire s’était
pliée, sans grandes difficultés, aux règles du monasterium, de cette communauté
de femmes dont elle méprisait la plupart  – comme elle l’eut fait d’hommes.
Il s’agissait à ses yeux d’un moindre mal. Pourtant, l’idée de devoir combattre
un autre raisonnement la grisait. Elle laisserait les suppliques et les prières
aux autres, et userait de l’intelligence que Dieu lui avait offerte.

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