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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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y aurait tenu la place à laquelle
son nom la prédisposait, n’eut été l’indifférence et la bêtise conquérante de
son père, lequel avait achevé de ruiner leur famille.
    — Ma chère Berthe, pourriez-vous me confier la clef du
coffre qui se trouve en votre garde, je vous prie ?
    Il sembla à Éleusie qu’un voile passait sur le visage de la
cellérière. Elle s’étonna du soudain manque d’assurance de celle-ci lorsqu’elle
hésita :
    — Mais, certes... Je... la conserve toujours sur moi.
Pourquoi... Enfin, il ne m’appartient pas de m’enquérir des raisons de l’ouverture
du coffre mais...
    — En effet, coupa Éleusie d’un ton autoritaire. La
clef, je vous prie.
    L’inquiétude, la colère gagnèrent l’abbesse. Quoi ?
Berthe allait-elle prétendre l’avoir perdue ? Les réserves qu’elle avait
toujours formulées en son for intérieur au sujet de la cellérière s’avéraient-elles
justifiées ? Elle tendit la main.
    Le petit visage fripé et aigre de l’autre se rida davantage.
Elle déboutonna le premier bouton de sa robe et en tira un long lien de cuir qu’elle
passa par-dessus son voile. La clef était suspendue au bout.
    — Merci, ma fille. Je vous la rendrai dès que j’en
aurai terminé.
    Lorsqu’un quart d’heure plus tard, Éleusie fit jouer les
trois clefs dans les serrures, elle tremblait tant qu’elle dut s’y reprendre à
deux fois. Elle regarda à peine son sceau. En revanche, un râle de soulagement
lui échappa lorsqu’elle frôla l’ancien pergamênê [38] sur
lequel étaient figurés les plans de l’abbaye. L’existence et la localisation de
la bibliothèque n’étaient rapportées nulle part ailleurs, et l’abbesse ne
doutait plus qu’il s’agissait là du but poursuivi par la meurtrière.

 
Château de Larnay, Perche, novembre 1304
    Eudes de Larnay relut pour la cinquième fois la courte
convocation, signée de la main du seigneur inquisiteur Nicolas Florin.
    Que signifiait ce rebondissement ? Lorsque Florin lui
avait conseillé de produire un témoignage écrit de Mathilde de Souarcy, il
avait été entendu que la jeune fille n’aurait pas à comparaître devant les
juges de sa mère. Ce n’était pas tant que le petit baron souhaitât protéger sa
nièce, mais plutôt qu’il redoutait que le tissu de menteries qu’il lui avait
fourré dans la tête s’effiloche lors d’un contre-interrogatoire.
    Enfin quoi ! Florin avait assez d’éléments pour laisser
pourrir Agnès quelques mois dans un cachot et la déposséder de son douaire !
Puisqu’il était devenu de fait le tuteur de Mathilde, son héritage lui
appartenait pour un temps. Un temps suffisant pour mener à bien son projet.
Cette sotte donzellen’aurait
plus un sou vaillant lorsqu’il en aurait terminé. Quand ses jeunes charmes
auraient lassé son oncle, elle rejoindrait de gré ou de force un cloître. Après
tout, les filles y sont nourries et vêtues et, du moins, ne les entend-on plus
geindre sur leur sort. [39]
    Il en usait un peu lestement avec lui, l’inquisiteur. Il y
allait même de menaces à peine voilées. Eudes relut à mi-voix :
    « ... Vous voudrez mener madame votre nièce en la maison de
l’Inquisition d’Alençon au plus vite, et l’y laisserez en notre seule compagnie
afin que nous jugions de la profondeur de ses alarmes et de ses griefs
vis-à-vis de madame sa mère... »
    Nulle prière, nulle formule de courtoisie.
    L’agacement rattrapa Eudes. Il allait lui falloir conduire
Mathilde jusqu’à Alençon. Sans doute ce voyage nécessiterait-il la préparation
d’un chariot puisque la bécasse craignait les chevaux et se cramponnait aux
rênes, avachie comme un pantin bourré de son sur le col de sa monture. Agnès,
elle, montait en centaure. Même les périlleuses selles de dame ne la freinaient
pas. Le destrier le plus rapide, le plus fougueux et le plus difficile fonçait
sous la pression de ses mollets comme s’il venait d’enfin trouver son maître. C’était
Eudes, nul autre, qui avait appris à l’enfante à se tenir en selle dès qu’elle
avait eu cinq ans. Elle hurlait de rire, baissant la tête pour éviter les
branches basses, fendant sans hésitation le lit des cours d’eau, sautant
par-dessus les taillis, et remportait souvent les courses qui les opposaient.
    Soudain, l’ineptie de son plan l’atterra. Quoi ? En
dehors de l’argent et du pouvoir qu’il procure, la seule chose qui ait jamais
compté à ses yeux était

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