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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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implacable férocité à la tendre Geneviève.
    Jeanne suffoquait. Des nausées ramenaient dans sa gorge une
salive teintée de sang qui lui dégoulinait le long du menton. Elle laissa
échapper un râle :
    — Dieu que j’ai mal... Mon ventre explose en dedans.
Bénissez-moi ma mère car j’ai péché... je vous en supplie bénissez-moi avant...
qu’il ne soit trop tard... De l’eau... J’ai si soif... Bénissez-moi...
    Éleusie traça le signe de la croix sur son front en
murmurant :
    — Je te bénis ma fille, mon amie, et je t’absous de tes
fautes.
    Un mince soulagement détendit les traits crispés de douleur
de Jeanne. L’agonisante parvient à souffler :
    — Hedwige... Va-t-elle mieux ?
    — Oui, Jeanne, nous avons espoir qu’elle vivra, mentit
Éleusie.
    — Le... le poison nous a prises ensemble.
    — Je sais... Apaisez-vous, conservez vos forces, ma
chère fille.
    Jeanne ferma les paupières et hoqueta :
    — Maudite...
    — Elle l’est, taisez-vous maintenant.
    Annelette récupéra le broc d’eau, ordonna que l’on maintînt
Jeanne et qu’on lui ouvrît la bouche de force.
    La mourante tenta faiblement de résister, gémissant :
    — Laissez-moi aller en paix. Je suis en paix.
    Durant le quart d’heure qui suivit, l’apothicaire la
contraignit à boire en dépit de ses faibles protestations, des étouffements qui
la faisaient tousser et cracher. Deux novices se relayaient pour aller chercher
de l’eau en cuisine. Lorsque Jeanne, que ses dernières forces abandonnaient,
eut avalé plusieurs pintes* de liquide, l’apothicaire se releva, le devant de
sa robe trempé d’eau et de vomissures sanglantes. Elle désigna d’un index
menaçant Emma de Pathus et Yolande de Fleury, figées devant le lit et qui n’avaient
pas prononcé un mot depuis le début de cette scène de cauchemar, et intima :
    — Redressez-la et tenez-la.
    Les deux religieuses tirèrent le corps inerte de Jeanne et l’installèrent
en position assise.
    — Vous deux, ordonna-t-elle en se tournant vers les
novices tremblantes, ouvrez-lui la bouche et ne lâchez que lorsque les renvois
débuteront.
    Toutes s’exécutèrent, incapables de formuler une phrase.
    Annelette plongea deux doigts dans la gorge de Jeanne,
vaguement écœurée par l’odeur fétide et pourtant douceâtre qu’elle exhalait,
tâtant la luette jusqu’à ce que des contractions du diaphragme de l’empoisonnée
annoncent l’émission. Elle attendit qu’un liquide tiède de la chaleur de l’estomac
lui trempe la main avant de libérer sa sœur qui régurgita par à-coups son
lavement de viscères.
    Lorsqu’elles allongèrent Jeanne confortablement une
demi-heure plus tard, son pouls était encore désordonné, les tremblements qui l’agitaient
n’avaient pas cessé, mais elle respirait plus librement.
    Éleusie suivit Annelette dans le long couloir. Blanche de
Blinot était appuyée contre l’un des piliers et pleurait entre ses mains. Elle
leva la tête lorsqu’elle les entendit et gémit :
    — Je suis lâche. Lâche et trop vieille. La mort me fait
si peur. J’ai honte de moi.
    — Blanche, ne soyez pas si dure avec vous, soupira
Éleusie. Elle nous inquiète toutes, bien que nous sachions qu’une magnifique
place nous attend aux côtés de Notre Seigneur.
    Se tournant vers Annelette Beaupré, la vieille femme demanda :
    — Jeanne va-t-elle mourir, elle aussi ?
    — Je l’ignore. Hedwige était si chétive et plus âgée.
Et puis, peut-être a-t-elle avalé une dose de poison plus importante. Nous ne
le saurons que lorsque nous aurons trouvé par quel moyen on le leur a fait
ingérer.
    — Mais pourquoi ? chuchota la doyenne en
reniflant.
    — Cela aussi, nous l’ignorons, chère Blanche. Et si j’avais
formé une hypothèse, elle vient d’être remise en question par l’identité des
deux nouvelles victimes, insinua l’abbesse en songeant aux plans de l’abbaye
enfermés dans le coffre.
    Car si l’objet de la meurtrière avait été de mettre la main
dessus, pourquoi atteindre Hedwige et Jeanne, qui ne possédaient nulle clef ?
Elle rassura Blanche comme elle le put en ajoutant :
    — Allez prendre un peu de repos. Des novices se
relayent au chevet de Jeanne. Elles nous préviendront à la moindre modification
de son état.

 
Château d’Authon-du-Perche, novembre 1304
    Serrés contre la grande cheminée, seule source de chaleur de
cette immense pièce d’études, Joseph de Bologne et Clément

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