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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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bras
d’Annelette Beaupré. Derrière les deux femmes, se pressaient Emma de Pathus et
Blanche de Blinot, livides comme des spectres.
    — Que se passe-t-il ? s’affola Éleusie en
rajustant son voile à la hâte.
    Thibaude hurla d’une voix stridente :
    — Elles vont mourir, elles vont mourir... Seigneur, mon
Dieu... Je ne veux pas rester en ces lieux maudits une seconde de plus... Je
veux partir, à l’instant...
    Les yeux fous, en pleine crise de nerfs, la sœur hôtelière
semblait prête à se jeter sur l’abbesse. Annelette tenta de la calmer d’un
péremptoire :
    — Il suffit ! Et lâchez-moi, vous me rentrez les
ongles dans le bras. Lâchez, vous dis-je...
    L’autre éructa :
    — Je veux partir... Laissez-moi partir. Si vous...
    Une gifle sans douceur lui tourna la tête sur le côté. La
main d’Annelette se soulevait à nouveau lorsque Éleusie intervint :
    — Va-t-on m’expliquer, à la fin !
    — Elles sont au plus mal. Jeanne d’Amblin et Hedwige du
Thilay. Des vomissements les ont prises peu après le coucher.
    L’abbesse sentit le sang lui quitter le visage. Un
tremblement l’agita et elle demanda d’un ton à peine audible :
    — L’if ?
    — Peut-être. Je n’en suis pas encore certaine, bien que
les symptômes concordent.
    Éleusie se rua dans le couloir sans une autre parole et
courut jusqu’au dortoir, suivie des quatre femmes.
    Jeanne d’Amblin gisait entre ses draps souillés de
vomissures sanguinolentes. Les yeux clos, sa poitrine à peine soulevée d’un
souffle, l’agonie douloureuse lui avait plaqué un masque grimaçant sur le
visage. Éleusie passa la main sur son front glacé et se releva, luttant contre
les sanglots qui l’étouffaient.
    Annelette rugit :
    — Où est la jarre d’eau que j’avais requise ?
    Une novice affolée la lui tendit, en renversant un bon quart
sur le sol.
    Un cri retentit alors à l’autre bout du dortoir :
    — Elle va... Non, c’est impossible... Que quelqu’un
fasse quelque chose...
    Éleusie fonça. La tête d’Hedwige du Thilay venait de
basculer contre l’épaule de Geneviève Fournier, la sœur gardienne des viviers
et de la basse-cour. Désespérée, incapable d’admettre la vérité, cette dernière
secouait la frêle chevécière décédée dans l’espoir de la ranimer, bafouillant
sur un ton de confidence :
    — Je vous en prie, chère Hedwige, je vous en prie,
revenez à vous... Allons, Hedwige, allons... M’entendez-vous, c’est Geneviève ?
Vous savez... Geneviève, ses dindons, ses œufs, ses carpes, et ses écrevisses.
Faites un effort, je vous en conjure. Respirez, chère Hedwige. Regardez, je
vous aide, je délace le haut de votre chainseafin
que vous soyez plus à votre aise. [66]
    Annelette tenta de dégager le corps de la petite morte
chétive, faisant preuve d’une douceur inattendue, mais l’étreinte de Geneviève
ne se relâcha pas. Elle huma les lèvres bleuies et enfonça un doigt dans la
bouche d’Hedwige afin de renifler sa salive. Puis, elle posa un baiser sur le
front luisant de sueur de Geneviève et murmura :
    — Elle est morte. Lâchez-la, je vous en prie.
    — Non. Non ! hurla la gardienne des viviers. Non,
cela ne se peut.
    Elle se cramponnait à sa sœur, s’allongeant presque sur son
corps sans vie, enfouissant son visage contre son cou, répétant d’un ton haché
d’urgence :
    — Non, c’est impossible. Le Seigneur ne le permettra pas.
Il ne permettra pas que l’un de ses anges si doux disparaisse de la sorte. Ça,
je le sais ! Non, vous vous trompez, chère Annelette, elle n’est point
morte. Un évanouissement, rien de plus. Un vilain évanouissement. Vous savez
bien, ma chère, comme elle a toujours été de petite constitution. Mais morte...
Quelle bêtise !
    Éleusie fit mine d’intervenir, mais Annelette la découragea
d’un hochement de tête en ordonnant :
    — Il nous faut nous occuper de Jeanne au plus vite,
maintenant que je crois savoir à quel genre de poison nous avons affaire. (Elle
ajouta, plus bas afin que Geneviève Fournier ne les entende pas :) Pas un
mot à Jeanne au sujet du décès d’Hedwige. Vous savez comme elles s’accordaient.
La vie de notre sœur tourière tient à un fil, inutile de le rompre par cette
épouvantable nouvelle.
    Elles abandonnèrent pour un temps la femme qui refusait
encore son désespoir, sachant que cette trêve serait de courte durée et que le
chagrin s’imposerait bientôt dans toute son

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