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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Je n’ai
nul besoin d’une martyre.
    — J’en informerai au plus vite son tortionnaire. Il
sera déçu. La souffrance des autres l’excite comme un vin d’épices.
    — Il est grassement payé pour obéir, rappela Benedetti
d’une voix sans appel. J’exècre la jouissance des tourmenteurs. Qu’il meure
ensuite. Nous n’avons plus usage de lui, et son existence est si hideuse qu’elle
me pèse.
    — Il en sera fait selon votre volonté, Éminence.
    L’exaspération gagna Honorius, qui siffla entre ses dents :
    — Tu connais ma volonté. Exécute-la, je te paye assez
pour ce service ! Je détesterais t’en vouloir. Dispose, maintenant.
    La menace était assez explicite pour que la silhouette
relève sa capuche et se retire.
    Le camerlingue patienta quelques minutes puis appela un
chambellan d’un coup hargneux de la sonnette de passementerie.
    — Est-elle enfin arrivée ?
    — Non, Éminence, pas encore.
    La déception se peignit sur le visage de Benedetti, qui
murmura pour lui-même :
    — Mais qu’est-ce qui peut la retarder ainsi ?
Prévenez-moi sitôt sa venue.
    — À vos ordres.

 
Palais du Louvre, Paris, novembre 1304
    Une des grandes chiennes de lièvre du roi Philippe le
surveillait d’un regard torve. Guillaume de Nogaret s’était assis dans les
appartements de travail du souverain, attendant, minimisant le moindre de ses
gestes de crainte que la femelle blanche à tête bringée n’interprétât son
attitude comme une menace. La mâchoire de ces bêtes était réputée capable de
tuer une proie d’un seul effort. Il comprenait leur utilité mais certes pas que
les dames fassent des plus charmants de ces quadrupèdes des compagnons qu’elles
allaient maintenant jusqu’à revêtir de manteaux brodésà
l’hiver afin qu’ils ne prissent pas froid. Il était vrai que pour monsieur de
Nogaret, les seules créatures de Dieu étaient les hommes et dans une moindre
mesure, les femmes. Le reste avait été mis à disposition par le Tout-Puissant
afin que l’on s’en servît sans violence ni mauvais traitement. [65]
    La haute silhouette émaciée de Philippe le Bel apparut au
bout du couloir sombre que le conseiller surveillait et il se leva, aussitôt
accompagné par un grognement peu amène de la femelle qui s’avança pour lui
renifler sans cordialité le bas du manteau.
    — Couché, ordonna-t-il dans un murmure.
    La chienne gronda de plus belle.
    Elle se précipita vers son maître dès qu’il pénétra dans la
pièce, se plaçant entre lui et cet homme dont l’odeur ne lui plaisait pas.
    — Delmée, ma preuse Delmée, la rassura Philippe en se
penchant pour la flatter. Va te coucher, ma belle. Savez-vous, mon bon Nogaret,
qu’elle est meilleure à la course que tous mes autres chiens, et qu’elle casse
les reins d’un lièvre d’un seul coup de dents ?
    — Jolie bête en vérité, proposa le conseiller d’un ton
si peu convaincu qu’il tira un sourire à Philippe.
    — Je me demande parfois ce qui vous fascine ou vous
distrait en dehors de l’État et de la loi.
    — Rien, sire, si ce ne sont vos affaires.
    — Et où en sont-elles, en ce qui concerne mon pape ?
Benoît XI, ou plutôt son décès prématuré, me place en bien inconfortable
position.
    Nogaret ne s’offusqua pas de cette remarque. Pourtant, si la
précocité du trépas du souverain pontife plongeait quelqu’un dans l’embarras, c’était
bien lui. Le plan qu’il avait entrepris de bâtir et qui devait doter Philippe
le Bel d’un Saint-Père qui se préoccuperait davantage du royaume spirituel que
des affaires politiques de la France n’était pas prêt. Guillaume de Nogaret
détestait agir à la hâte, mais la prochaine élection ne lui laissait pas le
choix. Il expliqua :
    — Guillaume de Plaisians s’est rapproché pour moi de
Renaud de Cherlieu, cardinal de Troyes, et de Bernard de Got*, archevêque de
Bordeaux. Il s’agissait de nos candidats les plus prometteurs.
    — Et ?
    — Je ne vous étonnerai sans doute pas, Sire, en vous
rapportant que tous sont, et je cite, « vivement intéressés à servir notre
sainte mère l’Église ».
    — En effet, vous ne m’étonnez pas, Nogaret. La tiare
papale recèle bien des avantages, et je suppose qu’ils nous les monnaient
aussi. À quel prix condescendent-ils à régner sur la chrétienté ?
    — Ils sont aussi gourmands l’un que l’autre...
Avantages, titres pour leurs familiers, cadeaux divers, et engagements

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