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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ce
qu’il pourrait saccager, détruire pour apaiser un peu de sa fureur. Son poing s’abattit
sur sa table de travail, renversant l’encrier d’argent en forme de coque de
navire. Clément resta figé, regardant l’encre s’écouler avec paresse le long
des fibres du bois, puis goutter au sol. Artus suivit son regard et découvrit
le petit ravage qui noircissait une latte du plancher. Ils demeurèrent tous
deux interdits, comme si cette tache qui allait s’élargissant recelait un
quelconque message. L’encre est noire, pas rouge, se répétait Clément. C’est de
l’encre, pas du sang. De l’encre et rien d’autre. Pourtant, il tira le carré de
grosse étoffe qui pendait à sa ceinture et lui servait d’essuyoir, et se
précipita pour couvrir la petite mare noire afin de la contraindre à
disparaître.
    Artus releva la tête, comme si ce simple geste venait de
défaire le maléfice qui tenait leurs regards rivés au sol. Il reprit où il s’était
interrompu :
    — Florin doit mourir, Clément. Il n’est plus d’autre
solution. Il doit mourir, et vite.
    — Ordonnez, messire, que l’on me selle un cheval. Je
pars sur-le-champ. Je le tuerai.
    Le regard pers que l’enfant tenait braqué sur lui disait
assez toute sa détermination. Étrangement, Artus le sut capable d’un tel geste,
quitte à se faire à son tour massacrer.
    — Je me réserve la lame, mon garçon, c’est une vieille
compagne et elle ne me faut jamais. En revanche, j’ai besoin d’un espion pour
suivre Florin, qui me connaît. J’avais cru trouver un petit acolyte, mais il s’est
volatilisé.
    L’excitation gagna Clément :
    — Je puis le remplacer. Ordonnez, messire !
    — Nous partons demain à l’aube pour Alençon.
    — C’est à plus de vingt lieues... Y parviendrons-nous
à...
    Clément buta sur le dernier mot qui résonnait comme une
sentence de mort.
    — Vingt-trois exactement et, parbleu, nous y serons à
temps ! En poussant un peu nos montures, et sans prendre grand repos, nous
y arriverons après-demain, à jour faillant.

 
Palais du Vatican, Rome, novembre 1304
    Un chambellan mit terme à l’espèce d’engourdissement
douloureux qui ne quittait plus guère le camerlingue Benedetti.
    — Votre entrevue est arrivée, Éminence.
    Un soupir de soulagement souleva Honorius. Il eut le
sentiment que cette benoîte annonce lui permettait enfin d’accoster, de quitter
l’océan de tumulte qui le malmenait depuis des jours et des nuits.
    — Donnez-moi le temps d’une prière puis introduisez-la.
    L’autre se retira, l’échine courbée sur un salut.
    Pourtant, le camerlingue ne souhaitait consacrer ce bref
répit à nul recueillement. Il voulait le savourer, en percevoir la moindre
nuance.
    Aude, magnifique Aude. Aude de Neyrat. La simple mention de
ce nom produisit son bienveillant sortilège. L’étau qui serrait la gorge du
prélat depuis des mois se relâcha. Il inspira avec ivresse cet air presque
frais qu’il redécouvrait. La méchante douleur qui irradiait dans son sternum s’évanouit
et il osa pour la première fois depuis bien longtemps se lever, s’étirer sans
craindre de se briser en morceaux.
    Aude, la voir, lui sourire. N’y tenant plus, il se rua vers
la haute porte double qui protégeait son bureau et l’ouvrit à la volée,
surprenant le chambellan qui tenait compagnie à madame de Neyrat.
    — Pénétrez, chère et belle amie.
    La femme se leva avec une grâce aérienne. Honorius se fit la
réflexion qu’elle était encore plus prodigieusement belle que dans son
souvenir. Un miracle, l’un de ceux qui vous surprennent au détour d’une vie et
dont la perfection vous laisse humble. Une chevelure blonde et mousseuse
entourait le petit visage angélique à l’ovale parfait. Deux immenses lacs d’émeraude
étirés en amande vers les tempes le fixaient joyeusement et un sourire charmant
étirait la jolie bouche en cœur. Honorius ferma les paupières de satisfaction.
Derrière cette silhouette gracieuse, derrière ce beau front bombé se cachait l’un
des esprits les plus puissants, les plus aboutis qu’il eut jamais rencontré.
    Elle avança et il lui sembla que ses pieds foulaient à peine
le sol. Honorius referma la porte derrière eux.
    Aude de Neyrat s’installa et sourit en inclinant sa
ravissante tête sur le côté :
    — Tant de temps, Éminence.
    — Je vous en prie Aude, prétendons que ce temps qui
vous a à peine effleurée et me laisse, en revanche,

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