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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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comme un vieillard, n’existe
plus vraiment.
    Elle eut un délicieux geste d’acquiescement, sa jolie main
fine caressant le vide, et reprit :
    — Avec bonheur... si peu de temps donc, mon cher
Honorius. (Plissant ses lèvres gourmandes, elle déclara, plus sérieuse :)
Votre missive m’a d’abord ravie, puis inquiétée, je vous le confesse.
    — Je vous en demande pardon. Cela étant, l’alarme me
ronge, et elle a dû transpirer d’entre mes mots...
    Le camerlingue marqua une pause et la détailla. Aude de
Neyrat avait été ballottée par une existence tumultueuse. Seul un prodige
pouvait expliquer qu’elle n’en gardât aucun stigmate. Orpheline très jeune,
elle avait été confiée à la garde d’un oncle vieillissant qui avait bien vite
confondu charité familiale et inceste. Le scélérat n’avait pas profité très
longtemps des charmes de sa nièce, décédant après une interminable et
douloureuse agonie que sa protégée avait veillée avec dévotion. À douze ans,
Aude venait de découvrir que ses talents pour les poisons, le meurtre et le
mensonge n’avaient d’égal que sa beauté et son intelligence. Une tante, deux
cousins héritiers, puis un vieux mari devaient succéder à l’oncle indélicat,
jusqu’au jour où la mauvaise fortune répétitive de ses familiers avait alerté
les hommes du grand bailli d’Auxerre. Honorius Benedetti, alors simple évêque,
se trouvait en ville au moment du procès. La saisissante beauté de madame de
Neyrat lui avait rappelé ses douces folies de jeunesse, lorsqu’un lit de dame
le libérait juste avant qu’il ne sombre dans un autre. Il avait tenu à l’interroger,
arguant du prétexte que sa robe favorisait les aveux. Elle n’avait rien avoué,
le noyant dans un dédale de menteries qu’il avait admiré en connaisseur. Tant
de rouerie, d’intelligence, de talent ne devait selon lui pas finir le cou
serré dans une corde, et encore moins sur un bûcher de sorcière. Il avait fait
des pieds et des mains, achetant, menaçant, convainquant. Aude était sortie d’accusation,
lavée de tous soupçons. Elle avait été la seule incontinence de chair du prélat
depuis qu’il avait abandonné le siècle. Il l’avait rejointe une semaine plus
tard en l’hôtel particulier hérité du mari qu’elle avait poussé vers un monde
réputé meilleur. Un instant, Honorius avait redouté qu’elle ne fût pas à la
hauteur du manquement qu’il se préparait à commettre. Il avait grand tort.
Comme il l’espérait en secret, elle n’avait vu dans ces quelques heures de
draps, de peau et de sueur nul dédommagement, nulle obligation de dette. Elle
lui avait fait l’honneur de se donner à un homme, sans jamais se céder à un
créancier. Durant ces heures de parfaite folie, ils s’étaient trouvés, se
humant en fauves de même stature. Ils avaient fait l’amour comme on scelle un
pacte. À son instar, Aude jugeait que la fin justifiait les moyens. Ne lui
avait-elle pas confié, au petit matin de cette nuit-là :
    — Que voulez-vous mon cher, la vie est trop courte pour
tolérer que des empêcheurs la gâchent. Si les gens étaient plus sages... je n’aurais
pas besoin de les empoisonner. Je suis femme de parole et d’une dignité qui,
certes, m’est personnelle. Ainsi, mon oncle qui crut avoir le droit de me
dérober mon innocence et ma virginité... J’ai récupéré sa vie en échange. Je n’étais
pas d’accord sur le marché initial qu’il avait conclu sur mon corps de
fillette. Du coup, il m’a semblé que je n’avais pas à solliciter son avis
concernant le reste... sa mort. Jurez-moi que vous êtes un homme sage,
Honorius. Je détesterais que vous disparaissiez... Vous êtes trop exceptionnel
et précieux pour manquer à ma vie.
    La délicieuse menace lui avait arraché un fou rire. L’un de
ses derniers vrais rires. La vie avait depuis dérapé pour devenir sinistre et
laide. Au fond, la vitalité joyeuse d’Aude était sans doute le dernier souvenir
qui lui permît de respirer à son besoin.
    — Ce que je vais vous conter, ma radieuse Aude,
reprit-il avant qu’elle ne l’interrompe d’une moue amusée :
    — Reste entre nous ? Ah ça, m’auriez-vous oubliée
à ce point, mon cher ?
    Il exhala avec lenteur. Au fond, Aude n’était-elle pas le
meilleur confesseur dont il pût rêver ? Le seul auquel il pût accorder sa
confiance. Il ferma les yeux et commença avec peine :
    — Aude, ma magnifique... Si vous

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