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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Souarcy continue.
    Leone se leva, le remerciant, plongeant son regard dans le
velours sombre des yeux de l’inquisiteur. Celui-ci s’enquit, enjôleur :
    — Me viendrez-vous saluer ensuite, chevalier ?
    — En doutiez-vous, monsieur... je ne puis le croire...
répondit Leone d’une voix suave.
    Agnan s’empressa devant lui, bafouillant des phrases
incompréhensibles de remerciement, trébuchant le long des marches qui menaient
aux cellules. Il tremblait tant que Leone dut repousser le verrou à sa place.
    — Allez maintenant et soyez béni, le remercia le
chevalier. Je retrouverai mon chemin. Je ne dispose que de bien peu de temps,
mais il me suffira... Pour le moment.
    — Je vous ai tant appelé de mes prières, monsieur,
bredouilla l’autre. Je...
    — Allez, vous dis-je. Pressez-vous de remonter afin qu’il
ne s’alarme pas.
    Agnan disparut comme une ombre amie au détour d’un pilier.
    Leone ne sentit rien de l’effroyable puanteur qui régnait
dans la geôle. Il ne vit pas la crasse, les cernes, la lividité malade de la
femme qui se tenait à grand-peine debout devant lui. Elle était la force, l’infinie
résistance des femmes. Ces iris gris-bleu qui le scrutaient le récompensaient
de toutes ses douleurs, de tous ses épuisements. Il lui sembla qu’elle était
lumière et qu’il avait attendu de la frôler du regard toute sa vie. Il se
laissa tomber à genoux dans la vase répugnante, luttant pour retrouver le souffle
que l’insoutenable émotion lui avait dévoré et murmura :
    — Enfin... Vous, madame.
    — Monsieur ?
    L’épuisement lui avait ôté toute réaction. Agnès cherchait
désespérément la raison de ce saisissant hommage, de la présence de cet homme
dans son cachot. Rien n’avait plus de sens.
    — Francesco de Leone, chevalier de grâce et de justice
de l’ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem.
    Elle le fixait en pleine incompréhension.
    — Je suis venu de loin, pour vous sauver, madame.
    Elle tenta d’humecter ses lèvres desséchées et s’éclaircit
la gorge avant de demander :
    — De grâce, relevez-vous, monsieur. Je ne comprends pas
ce... Qui êtes-vous... Le comte d’Authon vous...
    Ainsi, Artus d’Authon faisait partie de leurs amis. Cette
révélation soulageait Leone.
    — Non, madame. Je ne connais le comte que de nom et de
belle réputation.
    — Ils envoient parfois de charmants espions afin d’extorquer
des aveux, déclara-t-elle d’un ton de confidence qui ne trompa pas Leone sur sa
finesse.
    — Éleusie de Beaufort, mère abbesse des Clairets, est
ma tante, ou, plutôt, devrais-je dire, ma seconde mère puisqu’elle m’a élevé
après le décès de sa sœur Claire, à Saint-Jean-d’Acre.
    En dépit de son exténuation, un vague souvenir revint à
Agnès. Jeanne d’Amblin lui avait en effet confié que l’abbesse avait recueilli
un neveu après la sanglante défaite qui consacrait la chute de l’Orient
chrétien. Elle se laissa enfin aller sur le bat-flanc, rassurée. Il ajouta :
    — Nous n’avons que fort peu de temps, madame.
    — Comment êtes-vous parvenu à convaincre cet être de
mauvaiseté de vous accorder une visite ?
    — En le prenant à son propre piège. Peu de possibilités
s’offrent à nous, madame. Une récusation...
    Elle l’interrompit :
    — Allons, monsieur, vous savez comme moi que la
récusation ne servira de rien. Les inquisiteurs ont l’habitude d’antidater
leurs actes de sorte que la requête de récusation parvient à l’évêque bien
après son terme. Et même en admettant qu’elle soit suivie d’effet, ce dont je
doute, je serai morte avant qu’ils ne désignent un nouvel inquisiteur. Ajoutez
à cela que celui-ci me prendra aussitôt en inimitié à cause de mes démarches
contre l’un des siens.
    Leone n’en doutait pas. Il n’avait évoqué cette feinte de
droit que pour lui faire admettre ce qui allait suivre. Il la fixa à nouveau dans
la pénombre, bouleversé jusqu’à l’âme par ce qu’il découvrait, ce qu’elle
ignorait d’elle. Il rendit grâce à Dieu d’être celui dont la vie avait été
choisie pour sauver celle de cette femme. Cette femme qui n’avait aucune
prescience de son importance inouïe.
    — La Question commencera sous peu, madame.
    — Je le sais. Vous avouerai-je la terreur dans laquelle
je me trouve ? J’ai entendu des journées entières leurs hurlements... Cet
homme... Il est mort, je crois. Je me déteste de mon manque de

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