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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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j'ai la nausée. Vous
accordez votre bénédiction au partage d'un pays, la Palestine, terre arabe, à
une minorité venue d'Occident, et vous arrachez un morceau de notre patrie à
nous, les Syriens, pour amadouer les Turcs qui furent vos pires ennemis, et ce,
uniquement parce que vous craignez qu'ils ne basculent une fois de plus dans le
camp allemand.
    Il se tut et répéta :
    – J'ai la nausée.
    Un serviteur alluma les lampes et une lueur jaunâtre
éclaira les protagonistes, les rendant presque irréels.
    – Puis-je à mon tour vous livrer mon opinion ?
Excellence ?
    El-Atassi haussa les épaules.
    – Je vous rejoins dans votre analyse. Je ne peux même
qu'approuver et partager votre sentiment d'amertume. Je vous donne donc ma
parole qu'une fois de retour à Paris je plaiderai votre cause. Je vous en fais
le serment.
    Troublé par les accents de sincérité qui se dégageaient
des paroles du Français, le président secoua la tête à plusieurs reprises.
    – Je veux vous croire, dit-il, la voix soudain nouée. Je
vous crois. Néanmoins, si les atermoiements de votre gouvernement se
poursuivaient sur les questions de l'indépendance de mon pays et du retrait de
vos troupes, je démissionnerais de mes fonctions et je vous laisserais gérer ce
que je tente de gérer depuis deux ans : la rage et la fureur du peuple
syrien.
    Il se leva, le regard dur, signifiant que l'entrevue
était terminée.

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     

Neuvième partie

 
     
     
     
26
     
     
     
     
    Le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine.
     
    Chateaubriand
     
     
    Berlin, novembre 1938
     
     
    Ruth Singer se leva en sursaut et jeta un coup d'œil affolé sur le
réveil. Qui pouvait faire un tel vacarme en plein milieu de la nuit ? Elle secoua vigoureusement l'épaule de
son mari, mais sans trop se faire d'illusions ; pour réveiller Dan, il eût
fallu la fin du monde.
    Elle cria :
    – Dan ! Réveille-toi !
    Elle n'obtint qu'un grognement d'ours. Alors elle se leva, gagna la
fenêtre et écarta le rideau.
    Dans un premier temps, elle ne vit pas grand-chose. La Sprengelstrasse
était déserte, éclairée par la lumière blafarde des lampadaires. Pourtant, des
cris montaient de quelque part ; des cris ponctués de bris de verre. Une
rixe, songea Ruth. Des voyous, sans doute. Berlin connaissait des heures
troubles. Plus rien n'était comme avant. Rien ne serait comme avant.
    Un nouveau cri, déchirant cette fois-ci, la fit sursauter violemment.
Alors elle se jeta sur Dan.
    – Il se passe quelque chose ! Lève-toi.
    L'homme battit des paupières.
    – Quoi encore ? Un fantôme ?
    – Ne sois pas stupide ! Viens.
    Tout en parlant, elle tirait sur le bras de son mari.
    – Du calme, du calme... On arrive.
    Elle l'entraîna jusqu'à la fenêtre et écarta les battants.
    – Écoute...
    Dan Singer tendit l'oreille.
    Rien. On n'entendait que le son étouffé des gouttes de pluie venues
mourir sur l'asphalte.
    – Tu as encore fait un cauchemar...
    Il allait regagner son lit lorsqu'un bruit de cavalcade retentit dans
la rue.
    Un homme courait.
    Une dizaine d'individus étaient à ses trousses.
    L'homme courait à perdre haleine. On eût dit un animal ; on eût
dit des chasseurs.
    – Mais c'est Jakob ! s'écria Ruth. Je le reconnais. C'est Jakob.
    – Jakob ? Tu veux parler de Jakob Felton ? Celui qui a le
magasin de primeurs ?
    – Lui !
    – Tu as encore de bons yeux. D'ici, je n'arrive pas à voir ses traits.
    Un autre groupe venait de surgir à l'autre extrémité de la rue. Le
dénommé Jakob était pris en tenaille. Il se jeta contre la première porte.
    Maintenant, on pouvait mieux distinguer l'uniforme brun porté par les
chasseurs. C'était celui des Sturm Abteilungen. La S.A.
    La meute avait établi sa jonction, elle n'était plus qu'à quelques
mètres de Jakob Felton. Et Jakob les fixait, les yeux exorbités. Il tremblait.
    Quelqu'un ricana.
    – Regardez-le. Il va se pisser dessus.
    – Le courage juif, persifla une voix.
    Là-haut, à la fenêtre, Dan Singer serra sa femme contre lui comme si,
la protégeant, il espérait protéger Jakob.
    Le premier coup de matraque s'abattit sur le bas-ventre de Jakob.
    Il y eut
un deuxième coup. Mais il n'atteignit que le vide, Jakob était tombé à genoux.
Le troisième coup toucha son crâne. Alors Jakob s'écroula le front contre
terre. Curieusement, il ne criait ni ne gémissait. Pas le moindre soupir. Il halet ait seulement comme un

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