Le souffle du jasmin
demandait de
quel droit vous possédez ce pays, que répondriez-vous ? De nombreuses
générations d'entre vous s'y sont succédé et vous n’y avez rien fait. Que vous
le vouliez ou non, la nation juive est en spiritualité au-dessus des autres
nations et elle a offert à ce pays une histoire. C'est cette histoire des Juifs
et leur nostalgie permanente de ce pays qui leur accordent le droit d'y
retourner. Quant à vous, vous n'avez qu'un seul droit, celui que vous donne le
fait d'y avoir habité pendant de nombre générations. Suffit-il pour nous
interdire d'y revenir vivre
à vos côtés ? La réponse pour moi est non.
– Monsieur
Levstein !
–
Laissez-moi finir, je vous prie. Je dois vous convaincre. Les Juifs ne veulent pas vous expulser, ils
veulent coexister avec vous. Bien plus, ils sont dans la nécessité de se
mélanger avec vous. Malgré la tendance à l'isolement que les Juifs ont toujours
manifestée dans leur histoire, ils seront inévitablement amenés à l'avenir à
adopter vos mœurs et à parler votre langue. Demain, les
Juifs parleront l'arabe et les Arabes la langue hébraïque. Vous
comprenez ?
Latif
el-Wakil plissa les yeux et braqua sur son interlocuteur des pupilles embrumées
de colère.
– Je vais
vous répondre, monsieur Levstein. Vous demandez aux Arabes quel droit ils
possèdent sur ce pays ? Ils vous répondront que c'est une partie naturelle des pays arabes . C'est vrai qu'il ne fut pas le berceau de la civilisation
arabe, même s'il en a eu sa part. Cependant, notre sanctuaire religieux et nos
écoles sont les preuves éloquentes que ce pays est aujourd'hui majoritairement arabe et musulman . Permettez-moi de relever un autre point : si vous
réclamez le droit au retour, c'est que vous êtes
partis . Contraints, forcés,
vous êtes tout de même partis. Alors que nous, nous n’avons jamais quitté ce sol . Nous y habitons depuis plus de mille cinq cents ans. Si ce pays est le
berceau de votre spiritualité, le lieu
d'origine de votre histoire, les Arabes ont un autre droit que l'on ne peut
méconnaître : ils y ont propagé leur langue et leur culture.
Latif
passa une main nerveuse sur son front et conclut sèchement :
– Votre
droit, monsieur, est tombé en désuétude avec le passage du temps, alors que le
nôtre est vivant et inaliénable.
Dan
Levstein prit un air affligé.
– Vous
devriez aller écouter la conférence que va donner prochainement l'un de nos
coreligionnaires. Elle vous éclairera peut-être sur nos intentions mieux que je
n'y parviens. Il s'appelle Weizmann. Haïm Weizmann.
– Le
chimiste... ironisa Latif
–
Figurez-vous que c'est aussi un grand homme politique.
– Un
chimiste ? s'étonna Hussein.
Le cousin
du Palestinien confirma.
– Un chimiste de talent. La découverte qu'il a mise point n'est probablement pas étrangère à la très grande
influence qu'il a exercée et exerce toujours sur les Britanniques. Elle lui a
même permis d'inspirer à lord Balfour la fameuse déclaration qui ouvre la porte
à un foyer juif en Palestine.
– Quelle
découverte ? interrogea Marcus qui paraisse tomber des nues.
– Le
docteur Weizmann a conçu un procédé révolutionnaire de fermentation qui permet
de fabriquer de très grande quantités d'acétone, élément essentiel dans la
fabrication des explosifs, le TNT entre autres, avantage majeur en temps de
guerre. Vous imaginez bien qu'il y a eu entre Weizmann et les Britanniques un
pacte « donnant-donnant ». Mon
brevet contre la Palestine.
Dan
Levstein se mit à rire.
– Vous ne
croyez pas que vous exagérez un tout peu, monsieur...
– Latif.
Je n'invente rien. Il
m’arrive parfois de discuter avec des officiers de Sa Majesté, à
Haïfa. Et où M. Weizmann va-t-il donner sa conférence ?
– À
Jérusalem. J’ignore encolle lieu. Je ne doute pas que vos amis officiers vous préviendront.
Levstein
pivota sur les talons.
Après un
court silence, Josef Marcus reprit la parole.
– Tu ne
m'as toujours pas expliqué la raison de ta présence, dit-il à Hussein Shahid.
Le
Palestinien soupira.
– J'étais
venu pour que nous trouvions ensemble une solution afin que de nouveaux drames
ne se produisent plus, qui se révéleraient plus tragiques encore. Hier, un
Arabe est mort. Demain, ce sera un Juif. Hier, c'était un anonyme. Demain ce
sera peut-être toi ou moi. Il faut que nous mettions fin à cet engrenage, Josef. Tu dois essayer de raisonner tes
compagnons et, de mon
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