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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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Vois-tu, Chams, on peut mener un cheval à l'abreuvoir,
mais on ne peut le forcer à boire. Et les Syriens ne boiront pas l'eau que les
Français leur offrent.
    Il ajouta
avec passion :
    – Nous non plus, d'ailleurs. Sache
que depuis le premier du mois, l'ayatollah Shirâzi a promulgué une fatwa
interdisant à tous les
musulmans d'accepter des fonctions au sein de l’administration anglaise. Et ce
n'est qu'un début. Hier, après consultation, nous avons décidé de déclencher un
soulèvement général contre la présence de ces infidèles. Garde bien les yeux
ouverts, Chams. L'Irak va se transformer en une immense flamme que l'on verra
jusqu'à l'Oural.

 
     
     
     
12
     
     
     
     
    Ne faut-il
pas que vous soyez bien impru dents d'avoir fourni vous-mêmes la conviction de votre mensonge.
     
    Pascal.
     
     
    Paris, avril 1920
     
     
    L'hôtel de
Sauvigny, non loin du bois de Boulogne, brillait de tous ses feux. Le comte et
la comtesse Lelieu de Sauvigny donnaient un grand dîner en l'honneur des
fiançailles de leur fille cadette.
    Jean-François
Levent, fraîchement promu premier secrétaire aux Affaires orientales du Quai
d'Orsay, avait été convoqué par son nouveau ministre de tutelle, Alexandre
Millerand, pour lui présenter son rapport sur la situation. Voilà deux semaines
qu'il était de retour à Paris et l'Orient lui manquait déjà. Le renverrait-on
dans la région ? Pour l'instant, il n'en savait rien.
    L'actualité
ayant poussé la Question d'Orient [53] au-devant de la scène, les
convives masculins réunis au fumoir après le dîner évoquèrent, entre deux
volutes de fumée, l'accès de fièvre qui secouait ce qu'ils appelaient ces
« contrées lointaines » et l'agitation antioccidentale qui y régnait.
    – Alors, mon cher ! lança
quelqu'un à l'intention de Levent. Que pensez-vous de ce remue-ménage ?
    Le
diplomate médita un instant avant de répondre :
    – Ce
remue-ménage, pour reprendre votre expression, est la conséquence de nos
politiques occidentales. Ces peuples avaient espéré l'indépendance après la
défaite de leur suzerain turc. Or ce n'est pas le cas. Mais j'imagine qu'avec
le temps les choses rentreront dans l'ordre. Il leur faudra bien plier devant
la réalité.
    – Vous êtes-vous posé la question de
savoir pourquoi on ne leur a pas accordé l'indépendance ? s'enquit un
septuagénaire du nom d'Henri Briard, philosophe à ses heures.
    La
question ne surprit pas Levent. Au cours des derniers mois, il ne s'était pas
passé un seul jour sans que lui-même se la pose ; surtout depuis son
déjeuner à Alep avec Dounia.
    Vous, Jean-François. Où vous placez-vous ? Du côté
des gentils ? Des méchants ? Dans lequel des deux camps êtes-vous à
l’aise ?
    Où se
trouvait Dounia en ce moment ? La dernière lettre qu'il avait reçue d'elle
laissait entendre qu'elle avait l'intention d'aller passer quelques jours à
Bagdad. C'était il y a deux mois. Depuis, plus rien.
    Après ce
déjeuner d'Alep, il avait vivement souhaité la revoir. Le refus fut courtois
mais ferme. Qu'avait-il pu dire ou faire qui l'eût blessée ? Ce jour-là,
ils avaient marché le long des ruelles de la ville, elle lui avait montré des
trésors insoupçonnés. À un moment donné, elle manifesta le souhait d'aller se
recueillir quelques instants dans la mosquée des Omeyyades. Il l'avait
accompagnée. Et ils étaient restés là, tous deux, face au minbar [54] de bois
sculpté, chacun dans ses pensées. Au couchant, lorsqu'il l'avait laissée devant
le seuil de la maison qu’elle occupait à quelques mètres du marché des
parfumeurs, il avait tenté de déposer un baiser chaste sur ses joues, mais elle
s'était esquivée puis, sur une pirouette gracieuse, éclipsée. Aujourd'hui, sept
mois plus tard, il arrivait à Jean-François de s'interroger sur la réalité de cette femme. Peut-être n'avait-elle été qu'une apparition ? Un fantasme.
    – Alors, monsieur Levent ?
s'impatienta le philosophe, cette question vous trouble tant ?
    Il se
décida à répondre.
    – Parce que l'indépendance de ces pays ne s'accorde pas avec nos
intérêts. Ni l'Angleterre ni la France ne peuvent laisser des régions
stratégiques aux mains de roitelets sans expérience et sans armée. La route des Indes est
cruciale pour les Anglais, le canal de Suez et notre influence dans la région
exigent notre présence. De plus, la Perse, l'Irak, la péninsule Arabique sont
riches en pétrole dont la

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