Le souffle du jasmin
est de s'emparer, après
la guerre, du pouvoir politique. L’autonomie est une science compliquée et qui
ne s'acquiert en un jour.
« Au
nord, la nation arménienne qui, à l'heure actuelle, paye le
plus grand des tributs à un ennemi cruel, se lèvera un jour, triomphalement, pour réclamer justice et le droit de vivre libre sur
un sol sanctifié par le sang de ses ennemis. Ces trois peuples,
Arabes, Juifs
et Arméniens, qui ont le plus souffert au monde,
méritent une vie indépendante, une vie de paix.
« Les
massacres arméniens au Turkestan devraient servit d'avertissement
à tous. Arabes, Juifs, Arméniens doivent s'unir afin de résister par tous les
moyens aux forces d’oppression. Si elle sait être unie, un avenir
aussi grandiose que son passé s'ouvre pour la Palestine. Elle deviendra le lien entre l'Orient et l'Occident »
Et
Weizmann de conclure par ces mots : « Envoyons, ce soir, un message
de bonne volonté de Jérusalem, il portera aux masses souffrantes de nos peuples
l'espoir d'un monde meilleur [51] . »
Le
discours fut ensuite traduit en arabe pour le mufti et le cadi de Jérusalem. Ce
dernier remercia le docteur Weizmann d'avoir défini les intentions des
sionistes et termina par la phrase préalablement utilisée devant la Commission
Crane : « Nos droits et nos devoirs sont aussi les leurs ».
Latif
el-Wakil échangea alors un regard sans joie avec son cousin.
– La bonne entente entre le chat et
la souris ruine l'épicier.
– Que veux-tu dire ? F
interrogea Soliman.
– La souris est anglaise. Le chat
est sioniste. L’épicier, heureusement, sera palestinien...
Troisième
partie
11
Vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la
politique s'occupe de vous tout de même.
Charles de Montalembert.
Bagdad, mars 1920
Quatre
mois avaient passé.
Les
braseros ne rougeoyaient plus dans les maisons, le printemps rayonnait.
Glorieux et terriblement chaud.
Le papier
beige du télégramme frémissait dans les mains de Salma, l'épouse de Nidal
el-Safi. La feuille était parsemée de taches sombres qui commençaient à
sécher ; les larmes d'une mère. Elle lisait pour la seconde fois les mots
sans arriver à se convaincre de leur sens. Pourtant, ils existaient : son
fils Chams que l'on croyait définitivement perdu, était en route pour Bagdad.
Alors
qu'il se trouvait en poste à Damas, il avait été fait prisonnier lors de
l'entrée de l'armée du prince Fayçal, puis relâché et réengagé avec le même
grade dans les forces de celui-ci. Les agents recruteurs du prince avaient jugé
que, Irakien de naissance, il ne pouvait qu'être hostile à ses anciens chefs
ottomans. En quoi ils n'avaient pas eu tort. Et demain, il serait là. Il
arriverait par le train Damas-Bagdad. Les dernières heures d'attente seraient
les plus longues.
Assis dans
son bureau, Nidal essayait de maîtriser la tension qui n'avait cessé de monter
en lui depuis quelque temps. C'est que les événements ne se bousculaient pas
seulement dans son cœur, ils s'accéléraient aussi dans le pays. Comme il
fallait s’y attendre, les Anglais étaient revenus sur leurs promesses
d'assurer à l'Irak un gouvernement autonome, et la question se posait maintenant de savoir si l'heure avait sonné de passer à
l'offensive armée contre l'occupant, puisque la résistance pacifique ne donnait
aucun résultat. Nidal avait été
chargé de tâter le terrain auprès des chefs des anciens vilayets , Kirkouk,
Mossoul, Basra et autres, et les tendances qui se dégageaient ne laissaient plus planer de
doute : les armes ! Plus question de tergiverser avec ces renards
d'Anglais. Les armes et le feu !
*
Le train
Damas-Bagdad arrivait à 3 heures de l'après-midi. À 2 heures, la famille
El-Safi au grand complet se retrouva devant la gare. Personne ne manquait à
l'appel. Tous étaient là, même des cousins, des oncles et des tantes perdus de
vue. Le convoi ralentit. Chams se penchait à l'une des fenêtres. À peine
l'eut-elle aperçu que toute la famille fit de grands bonds en hurlant de joie.
Et le ciel s'enflamma de youyous frénétiques. Seule Salma gardait le silence,
le visage inondé de larmes. Tous les passagers avaient quitté la gare que les El-Safi étreignaient encore le voyageur. Il avait maigri. Il paraissait fatigué, un peu plus
âgé que ses vingt-deux ans.
La famille
prit place
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