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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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servait Charles le Victorieux, pour prendre désormais, à mes côtés, la direction du domaine.
    Herta s’exprimait en un francique légèrement teinté d’accent alémanique, avec distinction et aisance. « Maîtresse femme », pensa Doremus.
    — C’est à bon droit, répondit-il, que tu invoques la sollicitude de Charles le Juste et de son fils Louis, roi d’Aquitaine. Il a, en effet, confié à l’abbé Erwin et au comte Childebrand, un Nibelung, qui nous rejoindra avant longtemps, le soin de diriger en ce pays des investigations qui devront non seulement démasquer les meurtriers, faire bonne et prompte justice, mais encore ramener la paix et l’ordre, lesquels sont troublés de façon insupportable en cette contrée.
    Il fit une courte pause.
    — Il me faut donc recueillir, pour ce faire, des informations, reprit-il. Naturellement, je me dois de commencer ici même. Je sais combien il peut être pénible pour toi de te remémorer le drame que tu viens de vivre, même si nous évitons d’en évoquer les circonstances les plus atroces, à quoi je m’emploierai. Si tu juges que cette épreuve est, de quelque façon, au-dessus de tes forces, nous pouvons la reporter.
    — Dans quelques jours, mon chagrin sera-t-il moins cruel ? dit Herta avec détermination. En outre, ne faut-il pas que tu mènes à bien tes recherches au plus vite ?
    — Je m’y efforcerai.
    — Un chagrin partagé, mère, est parfois moins lourd à porter, intervint Albert.
    — Je suis prête, déclara Herta.
    Interrogée calmement par l’assistant des missi, elle précisa que les meurtriers étaient arrivés avant l’aube. Ils avaient maîtrisé par surprise deux hommes qui montaient la garde.
    — Un instant ! plaça Doremus. Pourquoi un tel dispositif ? Godfrid pensait-il qu’il y avait quelque agression à craindre ? Aviez-vous reçu des menaces ?
    — Des menaces ? Pas vraiment ! répondit-elle après une courte hésitation. Mais des rumeurs… Et puis certaines choses placées de nuit devant notre porte…
    Plusieurs servantes murmurèrent de courtes prières.
    — Il était surtout question de mécontentements, de jalousies, poursuivit-elle. En outre, avec tout ce qui se passe depuis des mois par ici, ces noyades inexplicables comme celle de Bénédicte…
    — Nous y viendrons.
    — … ces disparitions, ces histoires de spectre blanc… On parlait, on parle toujours de bandes…
    — Comme celle qui a apporté la mort ici ?
    — Oui, des forbans, et aussi des possédés du démon, prêts à tout… On ne se sentait plus en sécurité… D’où ces précautions… Inutiles, hélas !
    Doremus fit un geste qui indiquait sa compassion.
    — De telles précautions ont-elles été prises dans tous les domaines de la Brenne ? s’enquit-il.
    — Je ne sais. Je suppose que oui.
    — Nous vérifierons… Mais revenons, si tu le peux, à ce qui est advenu ici. Les deux sentinelles ont été ligotées et bâillonnées, afin qu’elles ne puissent donner l’alerte, je suppose.
    Herta approuva de la tête.
    — Les agresseurs sont donc entrés dans cette salle. Les quatre portes que je vois là s’ouvrent sans doute sur quatre autres pièces ?
    — En effet ! Celle-ci donne sur la chambre que j’occupais avec Godfrid mon époux, et que j’occupe toujours, celle-ci sur celle de Gilbert et de sa femme Gerda qui, folle de douleur, est allée prendre quelque repos chez sa propre mère ; derrière cette porte trouve la chambre de mes deux filles Nodrude et Lotte ; celle-ci, enfin, s’ouvre sur un couloir qui conduit aux communs, cuisine, resserres, logement des domestiques, et ainsi de suite…
    — Quelqu’un se trouvait-il dans cette salle commune quand les bandits ont fait irruption ?
    — Oui, Clémence, qui nous sert depuis vingt ans. C’est celle qui se tient près de l’âtre.
    A la demande de l’enquêteur, elle vint témoigner elle-même. C’était une femme très âgée, la cinquantaine au moins, toujours robuste et qui était encore sous le choc qu’elle avait ressenti lors de cette agression suivie de meurtres. Albert lui-même traduisit en francique ses déclarations.
    — Ils sont entrés comme des démons, commença-t-elle d’une voix tremblante. Avant que j’aie pu crier pour donner l’alerte, l’un d’eux m’a prise comme ça, m’a passé une étoffe à travers la bouche, et il l’a nouée derrière la tête. Il m’a obligée à m’étendre après m’avoir attaché les poignets. Ensuite il m’a

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