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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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les malheurs de son abbaye et sur ses propres déconvenues : son monastère, pourtant, n’était-il pas le plus ancien, celui que saint Siran avait fondé d’abord ? N’était-ce pas de ces lieux visités par l’Esprit que l’âme du merveilleux Baronte ( 12 ), poursuivie par les démons mais protégée par les anges, s’était envolée pour un voyage prodigieux qui l’avait menée au purgatoire, au paradis et même en enfer dont elle avait pu s’échapper ? Ceux de Longoret avaient beau accumuler les traîtrises…
    Le frère Antoine arrêta d’un geste cette diatribe.
    — Oublierais-tu, lança-t-il, que l’abbé Ferréol, homme excellent s’il en est, nous reçoit en son couvent ?
    — Excellent, peut-être, répliqua le père Valentin d’un air pincé, mais pas en latin, d’où l’état dans lequel il laisse sa bibliothèque !
    — Arrêtons cela !
    Mais l’homme était lancé.
    — Il est vrai, jeta-t-il avec un ricanement, que cela n’a pas beaucoup d’importance. Étant donné ses excès de boisson, bien malin qui pourrait dire en quelle langue il célèbre les offices.
    L’assistant du missus posa devant lui le gobelet qu’il s’apprêtait à porter à ses lèvres.
    — Quant à son hospitalité, ajouta le père Valentin, c’est bien en notre abbaye et non en celle que dirige, paraît-il, le père Ferréol, que les envoyés du comte de Bourges avaient décidé de séjourner.
    Le frère Antoine lança à son interlocuteur un regard ironique.
    — Apparemment, articula-t-il, cela ne leur a pas porté bonheur.
    Cette réplique laissa l’abbé sans voix.
    — Mais puisque tu as cru bon d’évoquer leur sort, Berthet et Godart ne t’auraient-ils pas confié, lors de leur passage, si bref en vérité, en ton abbaye, quelques indications qu’il serait de ton devoir de me communiquer ?
    — Peut-être ceci, répondit le père Valentin qui s’était ressaisi. Selon eux, le comte de Bourges et l’archevêque Ermembert étaient convaincus que les forfaits, désordres et scandales survenus dans la Brenne ne pouvaient être que le fait d’une véritable bande, étant donné leur durée et leur ampleur. Ils leur avaient donc commandé d’enquêter par priorité dans cette direction.
    — Et c’est pour cette raison qu’ils se seraient rendus à Paulnay ?
    — Peut-être.
    — Mais alors pourquoi se sont-ils installés ici, loin de Paulnay, et non à l’abbaye de Longoret qui en est proche ?
    — Ne t’ai-je pas déjà dit que…
    — Je sais, coupa le moine. Crois-tu, toi aussi, à l’existence d’une bande ?
    — Je le crois.
    — Fabienne aurait-elle pu en faire partie ?
    — Ce n’est pas impossible.
    Le supérieur du monastère entreprit alors une description de « la sorcière » qui n’apprit rien au frère Antoine qu’il ne sût ou soupçonnât déjà. Elle était à la fois guérisseuse, rebouteuse et jeteuse de sorts, envoûteuse et « désencraudeuse ( 13 ) » ; elle se connaissait en simples, racines, animaux et insectes ; elle savait confectionner poudres, onguents, décoctions, tisanes et philtres, pour des usages bénéfiques ou maléfiques. L’envie, la jalousie, la passion du lucre, l’amour ou le désir d’en inspirer, la stérilité ou la grossesse, l’impuissance, et aussi la méchanceté, la malignité pure, la cruauté conduisaient vers sa tanière une nombreuse clientèle qui payait largement. Elle ne manquait de rien.
    — Dans ces conditions, est-il possible qu’elle ait entretenu avec les puissances infernales un commerce infâme en échange de pouvoirs et de richesses, qu’elle ait pu prendre part à des cultes abominables se déroulant au cœur du marécage ? demanda l’assistant du missus.
    — Cela ne fait aucun doute. Je suis certain qu’elle avait promis son âme à celui qui gouverne les enfers, qu’elle avait renié la foi chrétienne, accompagnant cet acte exécrable de gestes et de paroles blasphématoires ! Je l’ai vue, de mes yeux vue, devenir blême d’épouvante, avec un visage hideux, une bouche écumante, des traits convulsés, je corps agité de tremblements, un jour où je lui ai présenté un crucifix. On dit qu’elle portait les stigmates de la possession diabolique.
    — Tout cela ne justifiait-il pas qu’elle fût appréhendée, jetée dans les fers, jugée et condamnée comme stryge ?
    Le supérieur de l’abbaye prit l’air de celui qui en sait long, hésite à tout dire et finalement s’y résout.
    — C’est qu’elle

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