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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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lascivement. Elle s’approcha successivement de tous les participants comme pour s’offrir à chacun d’eux. Ceux-ci, battant des mains, reprirent leur danse sur un mouvement de plus en plus rapide, tandis que celle qui menait le jeu poursuivait ses provocations en ôtant une à une ses parures avec des attitudes lubriques. Bientôt tous se mirent à tournoyer, onduler, bondir, à agiter leur corps avec frénésie, ou proférant des sons sauvages, criant et hurlant. Ce n’étaient plus des êtres humains qui étaient entrés en transe, impatients d’assouvir leurs désirs sous les regards épouvantés du moine, mais des monstres. Lorsque la danseuse enleva sa dernière parure, elle apparut au frère Antoine comme une lamie prête à franchir d’un bond le marais pour venir le dévorer. L’homme en rouge cependant avait brandi son épée et l’avait abaissée par trois fois. Tous, avec des clameurs frénétiques, se précipitèrent les uns vers les autres pour une célébration orgiaque. Le moine, à nouveau, essaya de détourner son regard de cette mêlée qu’éclairaient les lueurs infernales des feux. En vain !
    Tandis qu’elle se prolongeait, toujours aussi tumultueuse, arrivèrent sur la plage des êtres mi-hommes mi-bêtes, lesquels entraînaient un personnage de haute stature, enchaîné, qui trébuchait et semblait halluciné. La panique s’empara du moine : « Non, ce n’est pas, ce ne peut être toi, mon maître, mon seigneur ! Toi, Erwin le Juste, toi, Erwin le Pieux dans cette bacchanale ? » Mobilisant, en un effort surhumain, le peu de lucidité et de volonté qui lui restait, il tenta de lancer cette alarme : « Prends garde, oh ! prends garde, maître, ta perdition, ta mort, voilà ce qu’ils… Non, le Tout-Puissant n’a pu permettre que tu tombes entre leurs mains ! Sur ma foi, non, jamais ! Et pourtant… Dieu de miséricorde, au secours ! » Aucun son n’était sorti de sa gorge.
    L’homme en noir adressa à la terre une incantation que tous reprirent tandis que les tambours battaient, que les trompes et les cors retentissaient… Surgirent des sorciers à tête de renard, de bouc ou de porc, des stryges aux seins nus portant des masques de chouette, de salamandre, de chauve-souris. Ils s’avancent vers le captif attaché à la pierre levée et le cernent en l’accablant d’injures avec des gestes de dérision et en prenant des postures obscènes ; ils crachent sur lui leur bave et leur venin, lui jettent des excréments en poussant des cris stridents. De l’ombre sortent soudain des bêtes de cauchemar, serpents gigantesques ouvrant des gueules aux crocs mortels, araignées géantes aux dards comme des dagues, insectes répugnants, énormes, aux mandibules acérées. Le moine tente de se débattre, impuissant, désespéré, anéanti. Les monstres s’approchent du supplicié. Ils l’attaquent, faisant de leurs crocs, de leurs griffes, de leurs dards des instruments de torture. Le visage rejeté en arrière, les yeux révulsés d’Erwin expriment une souffrance insupportable ; il lance vers le ciel une longue plainte, insoutenable…
    Le frère Antoine s’écroula, sans connaissance.

CHAPITRE V
    Lorsque Timothée et Doremus étaient revenus de leurs enquêtes, sur le tard, à l’abbaye Saint-Pierre, d’abord ils ne s’étaient pas alarmés. Ils avaient appris avec satisfaction que le frère Antoine avait démasqué un serviteur suspect de traîtrise. Certes celui-ci était parvenu à s’enfuir, mais le Pansu avait pu s’élancer à sa poursuite. Il n’était sans doute pas un cavalier véloce, mais il était rusé et persévérant. A défaut de rattraper le gibier, il rapporterait de la chasse de précieux indices.
    Cependant, à mesure que les heures s’écoulaient sans que le moine revînt, leur inquiétude grandit. Ils tentèrent de se rassurer en supposant que la poursuite l’avait trop éloigné du monastère et que, ayant été surpris par la nuit, il avait décidé de dormir sur place en quelque chaumière, pour ne regagner Longoret qu’au matin. Néanmoins le Grec et l’ancien rebelle ne pouvaient écarter d’eux de sombres pressentiments. A plusieurs reprises, avant matines, ils sortirent du couvent pour tendre l’oreille et scruter les ténèbres.
    A l’aube, ils résolurent d’attendre encore deux ou trois heures avant de commencer des recherches, le temps qu’il faudrait au frère Antoine pour revenir à l’abbaye d’un lieu éloigné. Le

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