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Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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était nuageux… Je n’avais pour m’orienter aucun point de repère.
    — En tout cas, tu t’es retrouvé là où tout avait été préparé… pour la suite…
    — Et quelle suite, quelle abomination ! s’écria le frère Antoine.
    Celui-ci, alors, non sans de brusques arrêts provoqués par l’émotion, par des trous de mémoire, par la recherche de détails, de précisions, narra son arrivée, en fin de course, à ce cul-de-sac donnant sur une sorte de détroit, la fuite de Magne gagnant la rive opposée, l’accueil du couple de pêcheurs, le souper calamiteux, et la cérémonie extravagante autant qu’épouvantable dont il avait été, bien malgré lui, le témoin et la victime. Quand il en arriva à cette scène macabre qui lui avait fait croire qu’Erwin était mis à mort dans les pires supplices, au sein d’un déchaînement orgiaque, il faillit ne pas terminer son récit, tant sa mémoire lui restituait avec une netteté terrifiante ces images qui l’avaient terrorisé, le désespoir et la panique qui s’étaient emparés de lui.
    Timothée et Doremus l’avaient écouté avec des visages et des attitudes qui exprimaient leur indignation et leur colère. Erwin était resté immobile, ses yeux gris regardant au loin, les mâchoires serrées. Quand le moine eut terminé son récit en indiquant dans quelles circonstances il avait perdu connaissance pour ne reprendre ses esprits que dans la salle où s’activait Pétronille, un long silence suivit cet épilogue. Le Saxon fit verser du vin et, contrairement à ses habitudes, en but un plein gobelet.
    Timothée, le premier, osa reprendre la parole.
    — Comment de telles horreurs sont-elles possibles ? dit-il d’une voix mal assurée.
    Erwin secoua la tête avec un air insatisfait.
    — Comment déjà savoir, dit-il, quelle fut la part de la réalité, quelle fut celle de ton délire, frère Antoine ? Sans doute cette dernière fut-elle de plus en plus importante à mesure qu’avec le temps les poisons agissaient davantage sur ton cœur, sur ton foie et sur ton esprit.
    — Si j’en crois mes souvenirs, seigneur, tout ne cessa de devenir plus monstrueux, plus dément, plus insupportable.
    — Par tous les saints, tu n’as pu, quand même, tout imaginer !
    — Certainement pas ! Une effroyable cérémonie orgiaque, avec des pratiques de sorcellerie, transformée en un affreux cauchemar, s’est bien déroulée en face de moi, sur cette rive où se dresse une pierre levée. De cela, je suis certain !
    — Reste à savoir pourquoi l’affaire a été menée de la sorte… Oui, pourquoi elle a été conduite de manière que tu sois le témoin halluciné de cette fête délirante et scandaleuse… et puisses en faire le récit. C’est bien ce que je veux dire ! Ces pêcheurs qui t’ont accueilli auraient fort bien pu te servir un repas mortel et, en admettant que, par miracle, tu en aies réchappé, on aurait pu chercher à t’achever à l’abbaye. Mais je suis certain qu’on n’a pas souhaité ta mort. Si la cérémonie qu’on t’a donné à voir s’est déroulée d’une certaine façon, si tu as été empoisonné de manière à anéantir ta volonté, à troubler profondément ton esprit, ainsi que tes sens, c’est qu’on a voulu qu’il en fût ainsi… de même qu’on a voulu que tu t’en souviennes.
    Devançant les questions que ses assistants, étonnés, allaient lui poser, Erwin poursuivit :
    — Sans nul doute, on a voulu d’abord nous narguer. D’où ce simulacre d’une exécution dont j’aurais été la victime…
    — Une telle horreur ! murmura le frère Antoine.
    — … Un défi donc… mais aussi un avertissement… Oui, pour exiger que nous cessions nos recherches… un avertissement dont il fallait que tu apportes le témoignage, martela Erwin.
    Timothée hocha la tête.
    — Redoutables adversaires ! lança-t-il.
    — … d’autant qu’il existe sans doute un piège dans le piège, poursuivit le Saxon en se tournant vers le moine. Diras-tu qu’en pourchassant ce Magne tu traquais le complice de celui qui avait tenté d’assassiner Conrad ?
    — Je l’ai pensé.
    — Et si on t’avait lancé sur cette piste pour donner le change et, de cette manière, permettre à d’autres complices de demeurer dans l’ombre ?
    — Des complices qui seraient toujours ici ?
    — Oui, entre ces murs !
    Doremus passa la main sur son crâne chauve.
    — Serions-nous donc environnés d’ennemis ? marmonna-t-il.
    — Je le

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