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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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c’était le cas de Martin Lorson. Il n’osait bouger ni même déglutir, sûr que l’inconnu l’épiait, un chat guettant un moineau et se délectant de son effroi. Viendrait-il de ce côté ? À l’opposé ? Lovée sur son estomac, la panique le clouait au sol. Ce grincement, une agression feutrée ? Cette tache, le poing d’un assaillant prêt à cogner ?
    Il ferma les paupières, mâchoires crispées, haletant. Au bout de ce qui lui parut une heure et n’en était que le quart, il se persuada qu’il n’y avait plus personne. Il rejoignit furtivement la femme, se figeant au moindre bruit. De la pointe du soulier il poussa le corps. Un cadavre. Ses poumons avalèrent goulûment une lampée d’air. Son attention fut attirée par un médaillon coincé entre deux pavés. Accroupi, il l’empocha et en profita pour subtiliser le mégot de cigarette échappé à l’homme pendant qu’il commettait son forfait. Il le ralluma, inhala une bouffée. De ses yeux creux, la rotonde l’espionnait, lui prescrivait de reprendre sa veille. Poireauter tant que Gamache serait en ribote ? Hors de question. Une gorgée de rhum lui insuffla l’idée de disposer sous un péristyle le képi et le sabre, indices évidents d’un départ mûrement réfléchi. Alfred était futé, il déduirait que son ami avait jugé préférable de s’éclipser. Il aviserait la morte, alerterait la police, et omettrait de lui signaler l’unique témoin du drame.
    Il regagna en titubant la cabane de planches qui lui tenait lieu de domicile au coin du quai de la Loire. Il y disputait un chiche espace vital à des colis confisqués pour cause de taxes impayées. Au milieu de ce capharnaüm de cartons et de cageots, une simple paillasse, un oreiller de crin et deux courtepointes représentaient, auprès d’un poêle à sciure, d’un broc et d’une cuvette, l’essentiel de ses biens. Martin Lorson s’effondra tout habillé sur son grabat où, enfoui sous une double épaisseur de plumes, il modula incontinent un puissant ronflement.
     
    Au-delà du réverbère, la rue des Vinaigriers s’égarait parmi les ombres. Le carillon Big Ben du mastroquet chantonna puis tinta dix fois, le patron enflamma la mèche d’une deuxième lampe. Accoudé au zinc de façon à surveiller le pavillon à l’angle de la rue Albouy, Corentin Jourdan avait l’impression que les joueurs de dés s’exprimaient dans une langue étrangère. Ses muscles étaient parcourus de frissons nerveux que deux verres de cognac absorbés coup sur coup ne purent calmer. Il alla s’attabler près de la porte.
    En état second, il avait ramené la jument, l’avait dessellée, bouchonnée et nourrie avant de s’échouer là, à quelques mètres du pavillon aux volets clos.
    Une pensée lui vint : il s’était trompé de cible ! Comment aurait-il pu soupçonner que la blonde s’était teint les cheveux en noir ?
    Il régla, traversa la rue éclaboussée par le soupirail rougeoyant de la boulangerie, escalada les trois étages et s’allongea. Il était fatigué, incapable de trouver le sommeil. Ce qui s’était produit à l’octroi de la Villette n’appartenait pas au temps chronologique. Il se rappelait avoir suivi Sophie Clairsange plusieurs jours d’affilée. Quand, au juste ? Cela lui sortait de l’esprit.
    Elle s’était d’abord rendue près de l’église SaintPhilippe-du-Roule. Elle avait fait stopper son fiacre à la hauteur d’une élégante villa et s’était contentée d’en examiner la façade sans descendre de voiture. Ensuite, manœuvre similaire face à un hôtel particulier de la rue de Varenne, puis rue des Martyrs, au pied d’un immeuble de rapport.
    Trois adresses qu’il avait soigneusement notées, remettant à plus tard l’identification des locataires afin de recouper les informations notifiées dans le cahier bleu.
    Le sifflet d’une locomotive déchira le silence, Corentin Jourdan fut submergé par une soudaine et affreuse solitude. Il se languissait de sa maison, de Gilliatt, de Flip, même de la mère Guénéqué. Il n’avait en cette quête ni confident ni amis, seulement la certitude qu’il devait tout tenter pour parvenir à ses fins. Il finit par s’endormir. Il rêva de Clélia.
     
    Lorsque des heurts violents faillirent détacher la porte de ses gonds, l’aube se levait. Grattant un crâne de lendemain de cuite, Martin Lorson ouvrit en bâillant à un Alfred Gamache écumant de rage.
    — C’est ça, ta

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