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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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reconnaissance ? Dire que si je ne t’avais pas secouru tu pieuterais dans le lit aux pois verts 5  ! J’ressemble à quoi ? Les sergots ont cueilli une refroidie devant le canal, ils m’ont cherché et qu’est-ce qu’ils ont dégoté ? Mon galure et mon arme gentiment abandonnés dans la poussière ! Une chance que je me sois radiné dare-dare. J’ai répondu qu’une envie urgente m’avait convoqué à l’écart des sentiers battus, et que j’avais laissé les symboles de mon autorité maintenir la discipline sans moi. J’ai ajouté que celui ou celle qui avait serré le kiki de la pauvre femme avait dû perpétrer son assassinat en mon absence.
    — Je l’espère, parce que par ta faute me voici dans de jolis draps ! Il paraît que je serai soumis à un interrogatoire au poste, un de ces quatre !
    — Tu… tu me tiendras en dehors ?
    La boule oppressant l’estomac de Martin Lorson remontait à sa gorge, il hachait ses mots, terrifié d ’admettre que ce qu’il croyait une hallucination liée à l’alcool s’était réellement produit et qu’il avait assisté a un meurtre.
    — Oui, espèce de bourrique, mais c’est pas pour tes beaux yeux. Si j’avoue mon escapade, je perds mon boulot. Et maintenant, accouche.
    — Quoi ?
    — Raconte, que diable, ce spectacle, c’était pas de la frime, non ?
    — C’est que… je pionçais. Je m’étais humecté le gosier, et puis j’ai coulé à pic. Quand je me suis réveillé, j’ai repéré un type à côté d’une femme raide, j’ai eu une telle trouille que…
    — Rude biture, je présume !
    — Non, je t’assure, un coup de barre… Je te jure que ça n’arrivera plus, Alfred !Le gardien haussa les épaules.
    — Inutile de se biler, un des flics est un copain de régiment. Ici, les macchabées, on les récolte à la pelle. Une de plus, une de moins… Allez, vieux bougre, continue ta nuit, et motus, ça sera notre secret, ça fait un bail qu’on est poteaux, on va pas se ronger les sangs pour un crime passionnel !
    Gamache parti, Martin Lorson ne put fermer l’œil. Crime passionnel ? Muni du sac, le scélérat au feutre mou n’en finissait plus de décamper dans sa mémoire, indifférent au sort fatal de la femme qui gisait sur le pavé.
    Quelque chose clochait.
    Martin Lorson s’escrima à remettre de l’ordre dans sa tête. Cela fut laborieux, mais il réussit à emboîter les pièces du jeu de patience.
    Une femme masquée joue à la marelle devant l’octroi.
    Un fiacre invisible se gare derrière l’octroi. Son passager, après un bref palabre, étrangle la femme et disparaît. Son fiacre s’éloigne : Tagada tagada tagada.
    « Ça, j’en suis sûr… Alors comment expliquer le retour quasi instantané du bonhomme ? »
    Martin Lorson téta ses dernière gouttes de rhum, et la révélation le percuta de plein fouet : l’assassin ne pouvait jouir du don d’ubiquité, donc il y avait un second larron en embuscade. Oui, voilà ! C’était lui qui était revenu observer le visage de la morte.
    « À moins… À moins que l’étrangleur ne soit jamais monté dans ce satané fiacre ?… Il m’a vu ? S’il m’a vu…»
    Martin Lorson enfonça dans sa poche une main affectée de tremblements. Quand ses doigts s’arrondirent autour du médaillon, il étouffa une imprécation.
     

 
     
CHAPITRE III
    Mercredi 14 février
     
     
     
     
    Planté rue des Saints-Pères devant le numéro 18, un homme, engoncé dans un pardessus à col de ratine et chapeauté d’un béret de velours noir à la Van Dyck, feignait de s’intéresser à la devanture de la librairie Elzévir. À gauche étaient exposés divers romans traitant d’énigmes criminelles et de leur résolution, notamment les œuvres complètes d’Émile Gaboriau. À droite s’étalaient des livres anciens illustrés de gravures, et d’autres plus récents publiés en Angleterre, tels The Picture of Dorian Gray 6 , d’Oscar Wilde, Tess d’Uberville , de Thomas Hardy, et The Adventures of Sherlock Holmes 7 , de Conan Doyle.
    En ce début de matinée maussade, une bruine persistante huilait les pavés. Les trottoirs étaient déserts. On ne pouvait en dire autant de la librairie, envahie par un quatuor de femmes du monde parées d’atours hivernaux et un vieillard gratifié d’une physionomie de poète élégiaque : front strié de sillons, pli amer aux commissures des lèvres enlisées au milieu d’une barbe de sapeur.
    Maurice

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