Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
Vom Netzwerk:
déranger, mais j’ ai impérativement…
    Elle pila à la vue de Laumier.
    — Bonjour, ma séduisante consœur. As-tu idée des bruits qui bouleversent Montmartre ? C’est la révolution ! On colporte que la superbe et talentueuse Tasha Kherson aurait dit oui à un libraire qui se pique de traquer le crime. Elle a confondu l’amour avec l’illusion le la sécurité, la voici en cage, elle est fichue ! J’ai démenti, cela va de soi.
    — Comment l’as-tu appris ?
    — Le Bibulus de la rue Tholozé est un repaire de langues véloces. Firmin, le patron, pactise avec l’adjoint au maire du neuvième arrondissement, qui fréquente assidûment l’académie de billard du Chien qui tète . De toute façon, ma cocotte, n’importe qui a pu lire les bans à la mairie. Tu aurais pu m’inviter à sabler le champagne, je t’aurais aspergée de riz.
    Très satisfait de lui, Laumier examinait ses ongles.
    — Crie-le sur les toits !
    — Moi, débiner les camarades ? Tu m’attristes.
    — C’est pour m’annoncer ça que tu as dévalé ta butte ? Que cherches-tu ?
    — Toi, adorable gamine.
    Tasha huma l’odeur du tabac, bien que Victor eût écrasé en catimini son mégot derrière des bouquins. Méfiante, elle les détailla. Que tramaient-ils, ces deux-là qui d’ordinaire étaient comme chien et chat ?
    — Mon chéri, quand tu disposeras d’une seconde, aurais-tu l’obligeance de me conseiller ? dit-elle à Victor.
    Elle sortit, suivie de Kochka qui venait de s’extraire de sous le sommier.
    — Veinard, Legris. Elle a du caractère, votre petite femme. Ah, les grands sentiments ! Un remède à la solitude ou un boulet à la cheville ?
    — Non, non et non !
    — Drôle de réponse à mon dilemme, Legris.
    — Non à la requête de Mlle Lestocart.
    — Mimi, seulement Mimi. Elle va être terriblement déçue et me gâter l’existence.
    — Pourquoi la gardez-vous puisque vous honnissez l’état conjugal ?
    — L’habitude, un remède à la solitude et un boulet à la cheville, jusqu’au jour où ça me fera une belle jambe, alors adieu Mimi, adios, ene maitia 15 , je pars pour l’Espagne, je t’enverrai des castagnettes. Réfléchissez, Legris, en raclant le fond de mes poches, je vous offre vingt francs, j’ai vendu une toile.
    — L’argent n’est pas mon problème.
    — Vous êtes privilégié, moi je cours après. Je m’esquive. À la prochaine estocade, Legris. Et que diable, souriez, la vie est une farce !
    Il avisa le tableautin de Tasha dont il était l’auteur. – Admettez que j’ai des aptitudes ! Et combien le modèle est affriolant !
    Dès qu’il fut seul, Victor entrebâilla la croisée et, d’une main tremblante, alluma une deuxième cigarette.
    Maurice Laumier traversa dare-dare le jardinet où les rosiers dépérissaient. Des chats errants détalèrent à l’instant où il introduisait la clé dans la serrure de son logement du rez-de-chaussée. Mimi avait joué la fille de l’air, aussi comptait-il procéder à deux ou trois retouches au portrait de l’écrivain Georges Ohnet qu’il avait promis de livrer à la fin du mois, commande décisive pour la santé de ses finances.
    Veut-on vérifier qu’il a des poils au nez ?
    Vous le ferez entendre en mettant Georjonez 16
    fredonna-t-il, concentré sur une moustache particulièrement difficile à friser. Le poêle ronflait, preuve que la brune pulpeuse, sujet unique d’une quinzaine de toiles, allait réapparaître. Ce qu’elle fit, porteuse d’un pot de soupe et d’un journal vieux de quatre jours raflé chez le fruitier de la rue Norvins.
    — Tu lui as parlé ? demanda-t-elle d’une voix altérée.
    Maurice Laumier s’essuya les mains sur son tricot, versa la soupe dans une casserole qu’il posa sur le poêle.
    — Il refuse.
    — Même si on le paie ?
    — Surtout si on le paie, son honneur en serait bafoué. D’ailleurs ça m’arrange, tant que je n’aurai pas palpé le règlement de ce tableau, nous serons sur la corde raide.
    Sans l’écouter, Mimi chiffonnait en boulettes les pages du journal destinées à alimenter le feu. Elle se figea soudain, l’index collé à un entrefilet.
    — C’est elle, j’en suis sûre ! Oh, quelle horreur !
    — Quoi donc, ma bichette ? s’enquit Laumier en train d’emplir deux bols.
    — On a découvert une jeune fille étranglée à la Villette. Son corps est à la morgue. Il faut y aller ! glapit-elle en secouant

Weitere Kostenlose Bücher