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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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future exposition à La Revue blanche . Il affichait même une approbation qui la comblait de joie, alors qu’il était assailli de visions déplaisantes, l’hypocrite ! Tous ces hommes qui allaient parader autour d’elle et la déshabiller du regard. La perspective que trois de ses clichés accompagneraient ses toiles ne le rassérénait en rien.
    Son malaise s’aggravait à la pensée de mentir sans vergogne à Kenji. Il se conduisait en lycéen qui invente n’importe quelle fable pour se justifier de manquer les cours.
    — Dourak 14  ! Ose le braver ! Avoue-lui que tu en as soupé du train-train de la librairie et que tu veux te consacrer à la photographie !
    On frappa. Trois coups secs qui précipitèrent Kochka sous le sommier.
    — C’est ouvert ! cria Victor.
    Un grand barbu à béret de velours s’appuyait nonchalamment au chambranle de la porte. Il fallut à Victor une bonne minute avant de pouvoir formuler d’une réflexion acerbe :
    — Tasha est absente.
    — Ça me convient, ceci est une conversation confidentielle Legris. Désolé d’interrompre votre sieste, j’ai cavalé toute la matinée, je peux ?
    Et sans attendre un assentiment il s’affala sur le lit, au chevet de Victor. Les deux hommes se dévisagèrent sans aménité, puis, Victor faisant mine de se lever, Maurice Laumier eut un sourire gouailleur.
    — Faites, Legris, faites. Tasha pourrait survenir à l’improviste et nous surprendre, qu’irait-elle imaginer, l’innocente ?
    Les nerfs à vif, Victor bondit, défroissa son costume et alluma une cigarette malgré sa promesse de ne fumer qu’à l’extérieur.
    — Calmez-vous, dit Laumier en lui désignant un fauteuil.
    Comme Victor s’entêtait à rester debout, il se redressa à son tour, et compulsa une série de photos étalées sur un guéridon.
    — Tiens donc, vous donnez dans le social ? Vous m’épatez ! J’ignorais cette fascination envers les dessous douteux de notre moderne Babylone, je vous croyais plutôt primesautier.
    — Et vous, Laumier, toujours voué au sombre cloisonné ?
    — Mon pauvre ami, en peinture vous êtes en retard de plusieurs trains. Savez-vous ce que prône Renoir aux petits malins qui balancent leurs tubes de gouache noire à la Seine ? « Le noir est une couleur très importante. Peut-être la plus importante. » Remarquez, avec un nom pareil…
    — C’est exactement mon opinion, d’où mon goût pour le côté obscur de la capitale.
    — Faux. Vous, ce n’est pas le noir qui vous intéresse, c’est le… gris. Elle est fine, non ?
    — Amenez les couleurs, de grâce ! Que voulez-vous ?
    — Quel esprit ! Quel flegme ! J’en suis baba, je…
    — Videz votre sac !
    — Hou là, j’ai peur ! C’est une affaire délicate que je mène à regret. Si Mireille Lestocart ne m’avait forcé à entreprendre cette démarche, je ne…
    — Mireille Lestocart ?
    — Voyons, Legris, il y a deux ans, rue Girardon, vous vous êtes rincé l’œil. La brune aux formes galbées. Mimi, quoi ! Mon modèle, ma muse, ma pou-poule. Ah, la femme, c’est le bonheur de l’artiste !
    Maurice Laumier affectait un ravissement sans limite.
    — Et qu’espère-t-elle de moi, cette Mimi ?
    — La lumière, mon cher. Elle a lu avec ferveur le récit de vos enquêtes – fort périlleuses, je vous engage à la prudence. Vous êtes devenu son alpha et son oméga. Par chance, moi, la jalousie, connais pas. Dites, vous n’avez rien à boire ?
    — De l’eau du robinet. Vous vous décidez, oui ou non ? tonna Victor.
    Laumier se cala dans le fauteuil.
    — Je vais être bref. Sa cousine Louise Fontane, patronyme Loulou, a disparu de la circulation il y a maintenant trois semaines. Elle a plaqué son boulot, son domicile itou, aussi ne s’est-il écoulé une journée que Mimi ne m’ait harcelé de ses injonctions : « Va chez M. Legris ! Supplie-le d’intervenir ! Il la retrouvera, je le sens. » En un mot, elle me tanne, j’ai abdiqué. Votre prix sera le mien, à condition de vous montrer raisonnable… Ne me revolvérisez pas du regard ! Notre société matérialiste est ainsi bâtie que chacun a un prix. Je m’enquiers du vôtre. Jamais je ne songerais à abuser de votre précieux temps sans vous proposer une modeste rétribution.
    — Que me chantez-vous là ?
    — Vous êtes enquêteur privé, non ?
    Des pas résonnèrent, Tasha lança :
    — Mon chéri, j’avais juré d’éviter de te

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