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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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écrit, il se croyait doté d’une maturité supérieure à la sienne. Cependant, Iris était convaincue de représenter l’élément raisonnable de leur couple.
    Elle prit ses aises sur le matelas, les paumes sur son ventre abritant un être qui participait du rêve et de la réalité. Bientôt, il occuperait un espace capital au sein de cet appartement et du quotidien de ceux qui l’entouraient. Garçon ou fille ? Quelle serait sa physionomie ? Ses qualités ? Ses défauts ?
    Somnolant à demi en brodant à propos de ces interrogations, elle se rendit à peine compte que Joseph se penchait vers elle. Un trop-plein d’amour faillit le contraindre à éveiller Iris. Qu’elle lui fût attachée au point de partager sa vie, lui, le contrefait, l’obscur commis – quoiqu’il possédât l’étoffe d’un maître du feuilleton –, l’emplissait de reconnaissance.
    Un plateau la précédant, Euphrosine s’avança, coupant court à ces envies d’effusions.
    — Maman ? Déjà ?
    Elle se déchargea de son fardeau sur un guéridon.
    — J’ai retourné ça dans ma tête : cette petite, faut la bichonner. Jésus-Marie-Joseph, attendre un enfant, c’est pas une partie d’plaisir ! Je m’suis souvenue de ma propre grossesse. Tu pesais une tonne, mon minet ! Et j’avais des caprices. Tiens, par exemple, y m’ fallait du boudin aux pommes au beau milieu d’ la nuit !
    — N’en sers jamais à Iris !
    Cette conversation en aparté, l’alitée n’en perdait pas une miette et s’en amusait. En dépit du caractère exaspérant d’Euphrosine et de son insistance à régenter la maisonnée, Iris avait fini par ressentir à son égard le respect qu’on manifeste à une grand-mère. Orpheline de mère à trois ans, elle appréciait qu’une femme mûre se souciât de sa santé, même si cette sollicitude devenait quelquefois étouffante.
    Iris patienta jusqu’à ce que Joseph fût sorti puis se redressa.
    — Euphrosine, je désire m’excuser au sujet des lardons. Je comprends votre préoccupation, et j’ai réfléchi à un compromis. Je consens à absorber du jambon une fois par semaine, du poisson le vendredi, et, de temps en temps, un blanc de poulet, le Dr Reynaud me l’a conseillé.
    — À la bonne heure ! Vous m’en voyez ravie. J’espère que vous n’avez rien non plus contre les œufs, je vous en ai préparé deux à la coque, vous avez sûrement la fringale. Y a aussi du pain grillé, de la confiture de prunes maison, un cadeau de Micheline Ballu, des croissants, une brioche, un chocolat mousseux et un jus d’orange.
    Saisie d’une nausée, Iris laissa sa belle-mère retaper les oreillers et placer le plateau sur le lit.
    — Mangez tant qu’c’est chaud, j’ vais aérer, on s’croirait dans une cave !
    Tandis qu’elle tirait les rideaux, Iris fourra prestement croissants, brioche et pain à l’intérieur d’une boîte de biscuits vide cachée dans la table de nuit.
    — Je vous en prie, ne privez plus mon père, mon mari et vous-même de viande à cause de moi, et partagez nos repas assise à nos côtés, nous formons une vraie famille.
    — Brave petite, bredouilla Euphrosine, les yeux humides, c’est gentil d’me soulager d’ma croix. Oh, vous n’avez plus d’pain ! J’vais vous en chercher, pour les mouillettes !
    Lorsqu’elle s’engagea dans la cuisine, Kenji filait vers son appartement, une bouilloire à la main. Elle n’eut que le loisir d’apercevoir une robe de chambre bleue à pois rouges avant qu’il ne se cadenasse chez lui.
    — Telle fille, pas tel père, grogna-t-elle. Lui, les badigoinces, il se les cale avec du thé !
    Au rez-de-chaussée, Joseph s’activait en clamant l’hymne national de la Savoie 29 .
    Je te salue, ô terre hospitalière,
    Où le malheur trouva protection ;
    D’un peuple libre arborant la bannière,
    Je viens fêter la constitution.
    Les contrevents ôtés, il brailla le refrain à tue-tête :
    Allobroges vaillants !…
    La sonnerie du téléphone mit un terme à ses émouvants vibratos.
    « Allô… broges ? » manqua-t-il déclarer à la comtesse de Salignac qui s’enquérait de la livraison de l’ouvrage sur l’éducation des enfants destiné à sa nièce.
    — Par le Dr Lesshaft, martela-t-elle avec une inflexion germanique. Je compte sur vous !
    — Jawohl, madame la comtesse ! lança Joseph. Il raccrocha en mâchonnant :
    — Inutile de hacher de la paille, elle l’aura, son

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