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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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rejoignit son bureau, il avait repris une attitude neutre. Victor connaissait l’adage d’après lequel un chef de guerre doit dissimuler ses émotions sous sa tente et ne jamais la montrer à ses hommes.
    — Appartenez-vous à un ordre missionnaire ? s’enquit-il.
    — J’ai servi en Afrique il y a un sacré bout de temps. Je m’occupais de l’hôpital. A présent je suis là, j’ai pris un engagement personnel pour essayer d’atténuer la souffrance des parias de la société et… Je ne vais pas vous relater l’histoire de ma vie ! En quoi puis-je vous être utile, monsieur… ?
    — Victor Legris.
    — Avez-vous l’intention de doter mes œuvres ?
    — J’allais vous le proposer, répondit vivement Victor en tirant son portefeuille.
    — Voilà qui est généreux. Je suppose que vous ne vous êtes pas aventuré ici que par altruisme.
    — Non, en effet, on m’a fourni votre nom. Je m’intéresse à la cousine d’une amie, Louise Fontane.
    — Loulou ? Une perle. Sérieuse, travailleuse. Je la parraine depuis ses douze ans.
    — Il y a trois semaines, elle a…
    La porte grinça sur ses gonds. La femme au bébé se tenait timidement sur le seuil.
    — Une minute, Marion.
    Le père Boniface passa un stéthoscope à son cou. – Continuez, monsieur.
    — Loulou a déménagé.
    — Je sais, elle est venue me l’annoncer. J’espère la revoir bientôt, elle me récolte des médicaments.
    — N’y comptez plus… Elle a été étranglée près de l’octroi de la Villette.
    Le père Boniface demeura courbé au-dessus du plateau chromé où il disposait ses remèdes. Il se redressa et fixa Victor d’une mine défaite.
    — En êtes-vous certain ?
    — Oui. Sa cousine a formellement reconnu le corps à la morgue. Louise Fontane avait teint ses cheveux en noir.
    — J’ai vu bien des malades mourir quand j’aurais pu les tirer d’affaire. Ils s’en vont sans bruit, ils renoncent. Mais Louise… Loulou…
    Sa voix tremblait, il y avait des larmes dans ses yeux. Victor s’étonna de cette sensibilité prompte à s’émouvoir, de cette sentimentalité cachée sous la surface d’un homme au physique rude qui s’apparentait davantage à un fort des halles qu’à un prêtre.
    — Qu’elle repose en paix, Seigneur, et que la lumière éternelle brille sur elle, amen, murmura le père Boniface.
    Il se signa.
    — Monsieur Legris, je n’ai pas l’impression que vous ayez été franc, que voulez-vous de moi ?
    Le père Boniface concentra son regard clair sur Victor.
    — Avez-vous l’adresse du dernier domicile de Loulou ? demanda celui-ci.
    — Non… Quel gâchis, une si brave petite !
    Il y eut dans la pièce un silence pénible. Pendant une bonne demi-minute, le père Boniface ne prononça pas un mot ni ne fit un geste, ses yeux restant braqués sur Victor.
    — Non, monsieur, elle ne m’a rien dit de ses projets et je ne l’ai pas questionnée, j’aurais dû. Elle semblait heureuse.
    — Navré de cette mauvaise nouvelle, souffla Victor. Je vous laisse à votre tâche.
    En sortant, il manqua percuter Marion. Elle lui attrapa le poignet.
    — J’ai entendu vos paroles. Il y a quelqu’un qui saurait peut-être pour Loulou. Elle vit rue Monjol, c’est Éliane Borel, on la surnomme la Môminette. Elle turbine près du café À l’enseigne de l’Élysée, vous lui direz que c’est de ma part.
    Il en coûtait à Victor de revenir sur ses pas et il se contraignit à gagner le fort Monjoll comme on s’enfonce au cœur d’une jungle truffée de fauves à l’affût. Le ciel charriait des nuées spectrales, des lampes à pétrole s’allumaient derrière les carreaux fêlés. Une mélodie flottait dans l’air :
    Quand tout renaît à l’espérance,
    Et que l’hiver fuit loin de nous 26 …
    Un troquet s’élevait au confluent de deux venelles. Quand Victor y pénétra, les têtes se tournèrent, il redouta le pire, mais les discussions s’enchaînèrent.
    — J’t’en fous, il a refusé d’casquer la sorgue 27  !
    — l’a occis un sénateur en plein effort, rupture d’anévrisme, depuis on l’a baptisée « la Fossoyeuse ».
    Un costaud à chandail se rinçait le gosier à grand renfort de piquette.
    — Pardon, où habite la Môminette ?
    L’homme cracha à deux reprises et riposta en ricanant :
    — Monsieur est connaisseur ! En face, cinquième droite.
    J’irai revoir ma Normandie !
    C’est le pays qui m’a donné le jour.
    Le

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