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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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tarabuste…
    — « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. »
    — Économisez votre salive, Legris, et soyez clair !
    — C’est de Jean de La Fontaine, et c’est aussi clair que d’l’eau de roche !
    Joseph posa brutalement le récepteur.
    — Dire qu’on se décarcasse dans l’intérêt de ce crétin…
    — Joseph, qu’avez-vous noté dans mon registre ? C’est illisible, remarqua Kenji.
    — Oh, juste un manuel d’éducation pour Mme de Salignac. C’est la seconde fois qu’elle nous le réclame, la moukère.
    — Je croyais vous avoir interdit d’employer ce mot. Victor s’empressa de passer un bras autour des épaules de son beau-frère.
    — Vous vous souvenez de ces deux librairies que vous m’avez indiquées ? Eh bien, il serait temps de vous y rendre, à propos de la commande du baron de La Gournay.
    — Quelle commande ? s’enquirent en chœur Joseph et Kenji.
    — Celle dont nous a fait part le marquis de La Picaudière, répliqua Victor en brandissant de sa main libre le morceau de journal livré par Joseph.
    — Ah oui, parfaitement, j’y fonce !
    — Où fonce-t-il ? Le marquis de La Picaudière ? Un client ? Vous et lui ne cessez de tenir des conciliabules auxquels je ne comprends rien, reprocha Kenji. Le voilà encore parti. Et vous, daignerez-vous rester, ou allez-vous prétexter des développements photographiques à exécuter ?
    Victor étudia les alentours. Les fâcheux s’étaient éclipsés, deux ou trois amateurs de livres feuilletaient sagement des recueils.
    — Écoutez, Kenji, ne faudrait-il pas réévaluer la position de Joseph au sein de cette librairie ? Après tout, c’est désormais votre gendre.
    — Je ne le sais que trop, inutile de retourner le couteau.
    — Donc il n’est plus commis.
    — Mais il persiste à se comporter comme tel ! Je désirais engager quelqu’un à sa place et il s’y est catégoriquement opposé ! Nous voilà frais, avec un ex-commis qui refuse d’être remplacé et sa mère qui s’obstine à jouer les gouvernantes !
    — Je pourrais me charger des achats, et lui se partagerait entre la vente et les livraisons en échange d’une part sur les bénéfices.
    — Si les pommiers portaient des fruits d’or, l’avidité des hommes les transmuerait en bois mort. Autrement dit, l’argent ne pousse pas sur les arbres ! lança Kenji, accaparé par une cliente.
    — Un nouveau commis nous coûterait davantage, objecta Victor.
    Il renonça. « Il n’est pire sourd…» songea-t-il, décidé à reprendre l’offensive dès que possible.
     
    Joseph sauta de l’omnibus rue Bergère et, contournant l’hôtel du Comptoir national d’escompte, piqua rue de Trévise. Victor avait été inspiré d’orienter leur enquête vers la Librairie du Merveilleux , tenue au numéro 29 par le Vendéen Lucien Chamuel, également éditeur et détenteur d’une arrière-boutique faisant office de salle de réunion. Pour cinquante centimes par jour, un y consultait à loisir les classiques de l’hermétisme.
    Un personnage imposant, vêtu d’un accoutrement exotique bordé de fourrure, secouait sa chevelure et sa barbe ténébreuses en déclamant un texte de son cru.
    Los à toi ! Éros intangible,
    Éros uranien ! Los à toi !
    Ô guérisseur des banales tendresses
    Alchimiste puissant du désir imparfait
    Athanor du grand œuvre dans le monde des âmes
    Los à toi Androgyne 30  !
    Joseph se retint de pouffer car les quelques spectateurs occupant les lieux applaudissaient dévotement.
    Un quidam trapu et jovial à la barbe crépue pénétra à son tour dans la librairie. L’orateur lui adressa un salut guindé et gagna l’extérieur, suivi de ses courtisans.
    Plissant à demi ses yeux malicieux, l’homme frappa à la porte de l’éditeur qui lui cria d’entrer.
    Désemparé, Joseph rejoignit un jeune éphèbe auréolé de boucles pâles plongé dans la lecture d’une plaquette de vers, et toussota afin de susciter son attention.
    — Excusez-moi de vous déranger, qui était cet olibrius ?
    — Comment ? Vous n’avez pas identifié le Sâr Péladani 31  ?
    — Le sire ?
    — Non, le Sâr, il a emprunté ce titre aux rois d’Assyrie. C’est un illustre écrivain, son Mage Mérodack me fascine, je vous recommande vivement Le Vice suprême , il a paru voici dix ans et demeure d’ actualité.
    Joseph se rappela avoir classé des romans de cet auteur sur les rayonnages de la

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