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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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d’en introduire la pointe à l’intérieur de son oreille.
    — J’en sais rien.
    — Tâchez de vous souvenir de l’endroit où est allée Mlle Sophie.
    — Même si j’y arrivais, ce serait interdit d’vous le révéler.
    L’expression butée de la gamine l’horripilait. Se forcer au calme fut une épreuve. Feignant la surprise, il sonda sa poche, ses doigts se replièrent sur une pièce.
    — Vous êtes irréprochable, Aline, cela mérite une gratification.
    Le visage de la gamine s’illumina.
    — Pour moi ?
    — Oui, pour vous.
    L’obole au creux du poing, elle dansait d’un pied sur l’autre de manière à ballonner ses jupes sous sa souquenille trois fois trop large. La balance pencha en faveur du loup.
    — Mam’selle Sophie, elle a été malade pendant deux semaines. L’docteur est v’nu la soigner, il lui a posé des sinapismes, ça la brûlait. Moi, j’ai aidé à la guérir.
    — C’est gentil de votre part.
    — Oui, parce que, en vérité, mon travail c’est le ménage, le repassage, les courses et le manger. Mais elle m’avait donné une jolie chaîne avec un médaillon.
    Elle appliqua sur sa poitrine son poing serré que Victor eût volontiers écarté tant il était surexcité.
    — Ma fiancée est très généreuse, constata-t-il avec affectation. Lorsqu’elle ressent de l’amitié envers quelqu’un, elle n’a de répit qu’après l’avoir récompensé. Vous voulez me montrer ce médaillon ?
    La gamine hésitait, méfiante. Ses jupes oscillaient le gauche à droite, elle en étudiait le tangage avec autant de gravité qu’un yogi sur le point de s’exercer à la lévitation. Ces simagrées achevèrent d’excéder Victor.
    — Ma requête est capitale, mademoiselle. À moi aussi ma fiancée a offert un médaillon et, si le vôtre est identique au mien, je serai fixé.
    La gamine libéra la chaîne et se haussa du col. Le médaillon était une pièce de un dollar montée en sautoir. Quoiqu’il eût espéré une licorne, Victor pavoisait : les raisons du lien unissant Louise Fontane à une mystérieuse relation d’Amérique et à la veuve Guérin seraient bientôt élucidées.
    — Où est Mlle Sophie à présent ? s’enquit-il d’une voix altérée.
    — M’sieu Bricart a débarqué ce matin de bonne heure attelé à sa charrette, il a chargé ses bagages, sauf une malle qu’est en rade au sous-sol.
    — À quelle adresse les a-t-il emportés ?
    — Un hôtel près d’ la gare.
    — Un hôtel près de la gare de l’Est ?
    — Oui. J’ai entendu l’nom d’une ville ou d’un pays quand m’dame Guérin l’a indiqué à m’sieu Sylvain.
    — Sylvain ? Qui est Sylvain ?
    — Le millionnaire, pardi !
    — Qui est le millionnaire ?
    — J’vous l’ai dit, m’sieu, c’est m’sieu Bricart. Y m’fait peur, il braille à longueur de temps : « Barre-toi, t’es pire qu’une mouche à miel ! » Mais si y a personne, y m’coince près des cabinets et y m’pince partout. Un jour, il m’a invitée à guincher au Tivoli-Wauxhal 33 , j’ai refusé, y a des créatures de mauvaise vie. Depuis, y m’a plus jamais filé de p’tits pains chauds.
    — Vous connaissez le nom de cet hôtel ?
    — Tout c’qui m’revient, c’est qu’mam’selle Sophie s’est carapatée en fiacre dès que m’sieu Bricart s’est radiné. M’dame Guérin l’a bécoté, lui il lui a collé la main au panier en affirmant qu’elle avait engraissé. Ensuite, ils ont transbahuté les valises dans la charrette, et c’est là qu’elle a baragouiné le nom… Bon, j’m’en vais grimper à l’étage astiquer les cuivres, sinon la veuve Guérin elle me frottera le dos !
    La porte claqua.
    Plongé dans ses réflexions, Victor gagna la rue de Lancry. Il pila devant la fonderie Barbedienne et, sans s’intéresser aux allées et venues des ouvriers embarrassés de bronzes d’ameublement, recopia dans son carnet ce que lui avait appris la gamine.
    Attrapant le boulevard de Magenta, il obliqua dans celui de Strasbourg, bordé de commerces bariolés et de brasseries populeuses. Il stoppa face à la rue de Strasbourg 34 , à l’affût de l’instant propice à une galopade au milieu de la chaussée sillonnée d’omnibus, de fiacres et de cyclistes. Les invectives des cochers, le grondement des roues, les coups de sifflet et de trompe le paralysaient. Droit devant, la gare de l’Est au fronton triangulaire, dressée au fond d’une cour semi-circulaire

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