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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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son signe occidental, le Bélier. Elles avaient en commun un accouchement précoce, puisque Euphrosine avait été mère à dix-sept ans, et qu’Iris n’en avait pas vingt. Elle décida de broder un dragon multicolore au milieu des chrysanthèmes dont la toile était parsemée. Une sensation de pesanteur lui commanda de s’interrompre. L’enfant grandissait en elle.
    Elle parcourut rêveusement la feuille engagée dans le tambour de la machine. Écrire ressemblait à un jeu. Il fallait sélectionner les mots appropriés et, guidée par son imagination, les tresser jusqu’à ce qu’ils s’assemblent en une sorte de tapisserie bigarrée. Elle qui ne lisait que sous la contrainte se saisit d’un crayon et commença à griffonner sur le coin d’une page chiffonnée :
    Il était une fois une libellule éprise d’un papillon…
     
    L’appétit aiguisé par le gel, Victor s’était rassasié d’œufs au plat et de pommes sautées dans le bouillon Duval où il avait convoqué son beau-frère. À la table voisine, un monsieur apoplectique à gros favoris louchait avec convoitise sur l’anisette moscovite que lui avait versée une serveuse en robe de mérinos sombre. Un Joseph trépidant fit irruption et, s’affalant au fond d’une chaise cannée, défroissa le supplément illustré du Petit Journal .
    — De Charybde en Scylla ! annonça-t-il fortissimo. Tenez, lisez !
    Mécontent d’être le point de mire, Victor eut un geste impatient.
    MYSTÉRIEUX DÉCÈS
    « On nous informe à l’instant que M. le baron de La Gournay, membre du club pour l’amélioration de la race chevaline Le Pégase, propriétaire de plusieurs pur-sang et cofondateur de la société ésotérique La Licorne noire, a succombé hier soir des suites de sa chute de cheval. Selon les médecins qui ont constaté le décès, le traumatisme crânien dont il souffrait pourrait être dû à un projectile lancé très violemment. Est-ce une agression délibérée ? Sa veuve, Mme Clotilde de La Gournay, s’est opposée à l’autopsie. La police ouvrira-t-elle une enquête qui risque de s’avérer difficile ? »
    L’homme à gros favoris alluma un havane. Une âcre senteur chatouilla les narines de Joseph, prompt à se protéger le nez d’un mouchoir. Victor replia le quotidien.
    — S’il a été tué, nous sommes sérieusement obligés de nous interroger à propos d’une corrélation entre cette mort et celle de Loulou, je l’admets. Toutefois, le fil reliant les deux victimes est plutôt ténu. Nous ne détenons pour étayer notre présomption qu’un simple mot : licorne. Vous êtes indisposé ?
    — Mal au cœur, bredouilla Joseph, environné de fumée.
    — Vous avez l’estomac vide, avalez donc quelque chose.
    Joseph consulta le menu et Victor son calepin. Chacun se heurta à un choix cornélien : « Sucré ou salé ? » se demandait l’un, tandis que l’autre balançait devant diverses hypothèses.
    Joseph héla une serveuse.
    — Une gelée de coing et une tasse de moka, s’il vous plaît.
    — Quelle frugalité ! Félicitations. Nous voilà forcés de consacrer une seconde visite à l’hôtel de La Gournay. Nous la remettrons à demain, il y a plus urgent.
    Victor conta à Joseph les événements de la matinée.
    — L’amie américaine qui logeait rue des Vinaigriers se camoufle sous un état civil français, Sophie Clairsange.
    La bouche pleine, Joseph objecta :
    — Ce dollar monté en sautoir ne prouve rien. Je vous parie qu’on s’en procure chez n’importe quel brocanteur parisien. Et puis, si ma mémoire est exacte, l’allusion de Pétronille concernant une amie débarquée d’Amérique ne signifie pas que cette amie soit citoyenne des États-Unis.
    — Pétronille ?
    — Ben oui, la rue d’Aboukir, le fourneau économique !
    — Ah, oui… Vous ergotez, Joseph. A fortiori, l’attitude de Mme Guérin est suspecte, vous en conviendrez. Proposition : vous prenez le relais à l’ Hôtel de Belfort afin de chaperonner toute femme seule qui déguerpirait, en espérant qu’il s’agisse de cette Sophie Clairsange. Soyez discret, cela va de soi.
    — J’ai l’habitude, patr… Victor ! Je suis le roi des roussins !
    — Et des fanfarons. Je viens de m’apercevoir que le récit de Martin Lorson relatif au meurtre de Loulou prête à confusion. Il a paru interloqué que l’assassin revienne si vite sur les lieux de son forfait. Et s’il y avait eu deux hommes ? Supposons que le

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