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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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réception, sous le regard hautain et désapprobateur d’un chasseur en uniforme d’amiral.
    — Voilà l’objet, faites-en des confitures si ça vous chante, je m’en lave les pognes, conclut Sylvain Bricart.
    — Moi aussi, je désirais rencontrer Sophie Clairsange, elle m’a commandé un livre… Elle est invisible, cette femme-là, débita Joseph, fiché devant la carriole.
    — Depuis qu’elle a épousé un Américain aux poches rembourrées et qu’elle a quitté la Californie, elle a changé, c’est vrai.
    — Elle est mariée ? C’est quoi, son nom ?
    — Mat et des poussières, ça se prononce pas comme ça s’écrit, vous parlez d’un fourbi ! En tout cas, je mériterais davantage de reconnaissance de sa part.
    — Vous êtes un proche ?
    Sylvain Bricart cracha.
    — Un proche ? La Sophie, j’l’ai bercée sur mes genoux, elle suçait son pouce. Pendant des années je lui ai quasiment servi d’père, parce que le sien manquait à l’appel et que j’m’efforçais de contenter ma poulette de l’époque. Ensuite, on s’est perdus d’vue, la gamine et moi, seulement le jour où elle a eu des désagréments, ni une ni deux, j’ai répondu présent. Excusez, je détale, un chargement de croûtes de pain à cueillir derrière l’église Saint-Jean-Baptiste. J’ai qu’une confiance relative dans le bedeau, y serait capable de les distribuer aux pauvres de la paroisse, quel gâchis ! Autant me grouiller d’les entreposer sentier de l’Encheval.
    — Pardonnez ma curiosité, par quel miracle des rassis sont-ils toujours frais ?
    — Façon de causer. Les rassis me sont cédés par les boulangers ou les mitrons, y a des brioches, des navettes au beurre, des miches d’orge ou de gruau, dures comme du granit. De véritables armes offensives, ces bricheton-là ! Plus moyen d’ les écouler. Moi, j’ai inventé un truc. J’les repasse au four, j’les aligne dans des cageots, j’les empile dans ma charrette, j’les conserve sous une couverture de laine qui garde la chaleur, et pis j’les revends aux chalands… comme des petits pains ! Adios amigo !
    Il souleva les bras de la carriole en ahanant.
    — Une seconde, s’il vous plaît ! Vous avez évoqué des ennuis… Sophie, euh… Clairsange aurait-elle maille à partir avec la police ?
    — C’est de l’histoire ancienne, un procès qu’a mêlé du linge, du beau et surtout du moins beau, éponges, bougies, seigle ergoté et le toutim. Cette fois, je lève l’ancre, j’ai pas trop d’la journée pour me préparer à la sortie des écoles…
    Il était déjà loin lorsqu’il brailla :
    — Ma meilleure recette en hiver !
    — Mariée ! Mat et des poussières. Seigle ergoté, marmonna Joseph. Levure et farine de froment, tant qu’on y est. Ses tours de passe-passe lui ont endommagé le cerveau. C’est ça, le millionnaire ? Alors moi, je suis le roi de Prusse !
    Une bourrasque de grésil mitraillait le rond-point de la Villette. Les doigts engourdis, Alfred Gamache s’évertuait à écaler les marrons tièdes achetés à un Arabe dont l’échoppe fumait à côté de la pompe à feu. Transpercé par son sabre-baïonnette, un prospectus vantait les qualités de la nouvelle revue des Folies-Belleville, V’là l’funi qui grimpe 37 . Il avait promis à Pauline d’aller applaudir ses trémoussements en maillot et collant chair.
    Il enfourna une boule dorée et la mastiqua à satiété, ramenant à sa conscience tout un pan de ses jeunes années, du temps où sa mère, qui était manucure, lui offrait les dimanches d’hiver un sachet de coques grillées. Il insistait afin qu’elle se servît, mais elle assurait avoir l’estomac plein, bien qu’elle fût plus maigre qu’un coucou.
    Un toussotement interrompit ces réflexions.
    — Bonjour, vous me remettez ? Ma femme dessine, elle travaille pour le…
    —  Passe-partout , je me souviens. Je me le suis procuré : macache bono ! Mon petit doigt me souffle que vous m’avez balancé des craques, mâchonna le douanier, la bouche pleine.
    — Je vous certifie le contraire. Je m’interroge à propos de ce bancal auquel vous avez fait allusion, l’autre jour.
    — J’ai parlé d’un bancal ? Vous m’épatez. J’ai lu dans un canard que si le thermomètre descend au-dessous de zéro, il arrive qu’on soit la proie d’hallucinations exactement comme dans les zones tropicales. Vous devriez consulter un toubib.
    Pendant qu’il se bourrait de

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