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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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avait ravivé l’éclat de ses joues, son maintien était à peu près normal. Seule sa voix conservait une inflexion apathique.
    — Votre mari a-t-il reçu beaucoup de visites ce matin ?
    — Trois ou quatre, répondit-elle, évasive.
    — Vous avez refusé qu’on autopsie le corps, ai-je lu dans les journaux. Vous avez bien fait.
    — Je refuse aussi que la police perquisitionne chez moi.
    — J’ai ramassé ceci, près du lit, peut-être serait-il judicieux de condamner la pièce à laquelle elle permet d’accéder, conseilla Victor en lui restituant la clé.
    — Le cabinet secret… Merci, chuchota-t-elle.
    — Je désire assister aux obsèques d’Edmond.
    — Elles auront lieu demain matin, à dix heures, au cimetière du Montparnasse où nous possédons un caveau. Ses chers compagnons vont tous défiler, la larme à l’œil, la bouche emplie de mots pompeux, alors qu’ils n’avaient aucune sympathie à son égard. Des détraqués, à commencer par ce Gaétan.
    — Je viendrai avec Sophie… Sophie Clairsange.
    — Sophie ? Une de vos conquêtes ? Ou une de celles d’Edmond ?
    Sa surprise était sincère, il n’insista pas et la salua en précisant :
    — Juste une jeune relation intéressée par la Licorne noire.
    — Je serai fort aise de vous revoir, monsieur. Vous ne ressemblez pas… aux autres, jeta-t-elle en manière d’adieu.
    Il se dirigeait vers la station des fiacres, déplorant que la morphine produisît sur les Occidentaux, en particulier les femmes, des ravages comparables à ceux de l’opium sur les Chinois, quand il repéra un homme rondouillard. Il ne le voyait que de profil, mais il ne pouvait s’y méprendre. Cette démarche bancroche, cet antique costume marron, ce melon râpé appartenaient à Isidore Gouvier, le reporter perspicace et flegmatique du Passe-partout .
    — Monsieur Gouvier ! cria-t-il.
    — M’sieu Legris ! En voilà une rencontre, ça fait bien deux ans ! Ah, m’sieu Legris, ça me fait plaisir ! Vous sévissez toujours dans le roman à énigmes ?
    — Pas moi, Joseph Pignot, mon commis.
    — Il est marié, il me semble. Et l’heureuse épousée est votre demi-sœur.
    — Comment le savez-vous ?
    — Il m’arrive de parcourir les pages d’annonces matrimoniales ou nécrologiques du journal qui m’emploie. Et vous, la vie ?
    — Je suis plutôt gâté. Je vous offre un verre ?
    — Merci, j’ai rendez-vous avec une dame. Non, non, ce n’est pas ce que vous croyez, je suis en mission, dit-il en désignant l’hôtel décrépi du baron de La Gournay.
    Victor réfléchit en vitesse et opta pour une semi-vérité.
    — Quelle coïncidence, j’en sors. Le défunt était un de nos clients. Je viens d’apprendre son décès. J’ai cru comprendre qu’il serait tombé de cheval et que son occiput aurait violemment heurté le macadam.
    — Mouais, on dit ça… N’empêche que les médecins pensent le contraire. Allez leur poser la question, ils vous fourniront des explications à vous ficher un mal de crâne ! Moi, ça me laisse perplexe, un cavalier aussi émérite que le baron… Je viens fouiner. Vous avez suffisamment pratiqué mon patron. Quand Antonin Clusel flaire un scandale, il n’y va pas par quatre chemins. Ce qui l’affriande, ce sont les détails croustilleux. Cette société secrète, la Licorne noire, ça va faire gonfler les tirages.
    — J’en ai vaguement entendu parler. Qu’est-ce, au juste ?
    — Une brochette de toquemanns 40 , des tenants de Nicolas Flamel. Ils recherchent la pierre philosophale ! Philosophale mon œil !
    — Mme de La Gournay est une femme déroutante. La police va s’en mêler ?
    — Qui sait ? D’après mes sources, à la préfecture on se tâte, on tergiverse. Cette société occulte regroupe du grand monde, faut éviter les remous. Le baron en était l’un des trois fondateurs.
    — Ah, j’ignorais…
    — Maintenant ils ne sont plus que deux à faire tourner la boutique : une vingtaine de membres de la haute bourgeoisie et de la petite noblesse, acteurs en vogue, politicards, magistrats et même un invalide du pont des Arts !
    — Un quoi ?
    — Un académicien. Vous les connaissez sûrement de nom.
    — Qui sont les compères du baron ?
    — Le président, c’est Richard Gaétan.
    — Le couturier de la rue de la Paix ?
    — En chair et en os. Le rival de Worth. Falbalas, tralalas, plumes et paillettes ! Son bras droit tient la vedette chez

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