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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Il progressa pas à pas sur moins de deux mètres et buta contre une cloison. La flamme du cierge tremblota et mourut. Il voulut faire demi-tour, mais il était pris au piège. Il glissa au sol afin de soulager la tension de ses vertèbres et eut un haut-le-cœur. Il avait sept ans à l’époque. Monsieur son père le dominait, imposant, menaçant, dénué de compassion. La sentence était tombée, implacable. Quel crime avait-il commis pour mériter d’être bouclé a la cave ? La cave, le noir, la solitude. Il ne le supporterait pas, il allait mourir.
    Genoux au menton, il palpa fébrilement ses poches et finit par dégoter son briquet. La mèche du cierge s’enflamma, fila, vacilla. Une légère turbulence d’air caressa son front.
    — Mon Dieu, faites que…
    Une anfractuosité de la boiserie laissait passer un souffle imperceptible. Il y posa la main, entendit un déclic. Un panneau coulissa.
    Plié en deux, il traversa le sas et se retrouva à l’intérieur d’un étroit cabinet encombré d’un fatras plus incohérent que celui de la chambre mortuaire, où la lumière falote du jour filtrait d’un œil-de-bœuf. De Prime abord, Victor ne discerna qu’une grande quantité de livres, puis reconnut, caracolant sur des consoles et des étagères, d’innombrables licornes sculptées dans des matériaux divers, bronze, marbre, améthyste, hrysoprase, céramique. Lorsqu’il se fut accommodé à la clarté maussade, il s’aperçut que certaines de ces statuettes étaient brisées. Un remugle mêlé d’une aigre senteur lui retournait l’estomac. Avait-il été propulsé dans la panse d’un unicorne en pleine digestion ? C’est alors qu’il vit les taches brunâtres, telle une lèpre parsemant le décor et lui prêtant l’aspect d’une peau vérolée. Il s’appliqua à inspecter les objets de près : du sang séché. Étreint d’une nausée, il constata que de larges éclaboussures maculaient le plancher, le tapis et les murs. Il orienta le cierge vers les volumes reliés, décrypta les titres : Les Origines de l’alchimie , par Berthelot, des traités de Nicolas Flamel, Albert le Grand, Éliphas Lévi, Roger Bacon, Basil Valentin, Paracelse, Helvétius, souillés d’un lupus écaillé.
    — Une pitié, des originaux, ils sont fichus, murmura-t-il.
    Un bref scintillement l’aveugla. Sur une glace ovale au cadre agrémenté de feuilles d’acanthe, on avait tracé au blanc d’Espagne en capitales d’imprimerie :
    EN MÉMOIRE DE BRUMAIRE
    ET DE LA NUIT DES MORTS
    LOUISE
    Il bouscula une tablette d’où dégringolèrent des licornes. S’efforçant de réparer sa maladresse, il saisit une poignée de médailles : les sosies du talisman maléfique de Martin Lorson. L’énigme morbide qui les obnubilait, Joseph et lui, prenait sens : le médaillon de la Villette était un de ceux d’Edmond de La Gournay, tué, ainsi que Louise… Impossible qu’elle fût la signataire de ce message abstrus. Alors qui ? La mystérieuse Sophie Clairsange, sa vengeresse ? Hermance Guérin ? Le bancal ? Le millionnaire ? L’homme au visage carré ? Il considéra la clé du cabinet, s’attendant presque à ce qu’elle fût tachée de sang comme celle du conte de Barbe Bleue. La fourrant dans sa poche, il tenta d’ouvrir l’œil-de-bœuf afin de respirer une goulée d’air frais. L’espagnolette était grippée. Il recula, heurtant la porte par laquelle il était entré et qui claqua avant qu’il n’ait eu le temps de la retenir. Il s’arma de courage et arpenta la superficie exiguë à la recherche d’un mécanisme caché. Son pied achoppa sur un tisonnier, il se baissa et découvrit des copeaux de bois provenant d’un des rayonnages de la bibliothèque. Une seconde porte tapissée de reliures factices s’y découpait. Elle céda à sa première poussée, quelqu’un l’avait forcée.
    Il déboucha dans un couloir accolé à un escalier en colimaçon où une odeur de chou-fleur saturait l’atmosphère. Son cœur se souleva à l’évocation de la nourriture, il descendit les marches dans un état comateux et atterrit à côté de la cuisine où la bonne traînait ses savates. Elle perçut sa présence et porta la main à sa gorge.
    — Vous m’avez flanqué une de ces trouilles…
    — Veuillez prévenir votre maîtresse, je vais me retirer.
    Apparemment peu disposée à lui ménager une seconde entrevue en présence de ses compagnes, Mme de La Gournay l’attira sur le perron. Elle

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