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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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dérober aux regards indiscrets. Il jouissait d’une vue imprenable sur l’immense salle : un bancal avait peu de chance de passer inaperçu.
    Corentin Jourdan marchait aussi vite que le lui permettait sa béquille, quoique, dans un tel endroit, la difficulté ne consistât pas à suivre quelqu’un sans être repéré, mais plutôt à ne pas le perdre. Par deux fois il égara la trace de sa sirène, mais jouant des coudes, il réussit à la localiser. Elle s’immobilisa à la terrasse du buffet et, manifestement sur ses gardes, observa les consommateurs. Loin d’atténuer sa claudication, Corentin Jourdan forçait le trait et boitait bas. Ses cheveux en désordre saupoudrés de cendre sous le gibus cabossé, sa barbe de trois jours, ses vêtements couverts de boue séchée lui prêtaient l’aspect d’un vieux bougre décati un tantinet éméché. Il longea les guichets des billets et se planta devant un kiosque à journaux. Il vit un homme s’approcher de sa sirène et murmurer à son oreille. Le type de la librairie ! Sophie Clairsange allait-elle lui révéler le rôle qu’il avait tenu ? Que faire ? Il n’avait aucune marge de manœuvre. À moins que… Oui, il lui restait un atout : le troisième larron.
    Sophie Clairsange se dirigea lentement vers une table excentrée, rajusta la rose blanche à sa boutonnière et ôta ses gants. Victor l’examina de la tête aux pieds : taille moyenne, silhouette déliée, boucles brunes, teint mat, séduisante. Ni bague de fiançailles ni alliance. Il l’invita à s’asseoir et en fit autant.
    Sophie Clairsange fixa Victor droit dans les yeux.
    « Le genre de femme parvenue, hautaine, méprisante, se dit-il. Laissons-la mijoter. Si elle croit m’impressionner. »
    Il se mit à parler calmement sans se départir d’un léger sourire.
    — J’espère que nous allons nous entendre, madame, il est superflu de tergiverser. On vous menace, vous avez peur, je vous propose mes services.
    — Comment osez-vous ? Pensez-vous que je vais vous prendre au sérieux alors que je ne sais pas qui vous êtes ?
    Victor poursuivit d’un ton neutre :
    — Vous feriez mieux de me prendre au sérieux, pour votre propre sauvegarde.
    — Monsieur dont j’ignore le nom, vous avez lu trop de romans.
    — C’est incontestable, je suis libraire, je me nomme Victor Legris et j’ai coiffé la police au poteau en maintes énigmes criminelles. Voici mes lettres de créances.
    Il lui tendit une liasse de coupures de presse qu’elle étudia attentivement.
    — Cela ne me renseigne pas sur vos motivations. Je n’ai nullement besoin d’aide, de quoi aurais-je peur ?
    — Je vais être tout à fait franc avec vous, madame. En contrepartie, je souhaite que vous le soyez également. J’ai été amené à m’intéresser au décès d’une de vos relations, Louise Fontane, elle a été étranglée.
    — Je sais. Un inconnu, vous peut-être, a eu le bon goût de l’apprendre sans ménagement à Mme Guérin. J’en suis très peinée, Louise était une amie d’enfance.
    — Mme Guérin a pourtant nié la connaître.
    — Elle voulait me consulter au préalable. Je ne tiens pas à être mêlée à cette histoire.
    Il sortit son paquet de cigarettes, croisa le regard railleur de la femme et le posa sur la table.
    — Louise logeait chez vous, rue Albouy ?
    — C’est juste.
    — Pourquoi n’avez-vous pas déclaré ce fait à la police ?
    — Monsieur, je suis venue à votre rendez-vous par pure curiosité, j’étais intriguée. Oui, j’ai fréquenté Louise Fontane, autrefois. Nous ne nous étions pas revues depuis trois ans. Elle était au chômage, je lui ai offert l’hospitalité, c’est naturel. Dénoncez-moi, la police ne mettra pas ma bonne foi en doute.
    « Tu mens, ma petite, pensa Victor. Louise n’était pas au chômage, tu l’as débauchée. »
    — Inutile de tourner autour du pot, répondit-il, époustouflé de l’aplomb dont elle faisait preuve, je sais nombre de choses vous concernant, et puisque vous semblez y tenir, il se peut que je ne sois bientôt plus le seul. Et maintenant repartons de zéro. Vous avez travaillé rue de la Paix, n’est-ce pas ? Chez Le Couturier des élégantes.
    — Question superflue, vous en êtes persuadé.
    — Quel est votre nom de femme mariée, madame Clairsange, et que faites-vous à Paris ?
    Elle rougit de colère, mais lui donna sans discuter les éclaircissements qu’il requérait.
    — Mon conjoint

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