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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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À une heure du matin, comment on fait pour rentrer à Montmartre, aux Batignolles, à Levallois ? L’omnibus ne passe plus. Un fiacre ? Pas question, c’est trop cher. Alors on va à pied, dans la nuit. Une fois, j’ai prié des gardiens de la paix de me raccompagner. Ils m’ont répondu que les filles honnêtes ne traînent pas les rues à une heure pareille.
    — Vous n’avez pas satisfait ma curiosité, pourquoi Sophie Clairsange a-t-elle frôlé la mort ?
    — À cause des veillées ! Un soir, l’inspectrice du travail déboule. La môme Sophie, elle n’était pas majeure. Qu’est-ce qu’on fait ? On la pousse dans une armoire. L’inspectrice était de mauvais poil, elle s’est engueulée avec la contremaîtresse, nous, on en a profité pour filer à l’anglaise et on a oublié la Sophie dans l’armoire. La contremaîtresse s’est souvenue d’elle au petit matin. Elle a dégoisé des mensonges au médecin qui se désespérait de jamais pouvoir la ranimer. Le patron a convoqué Sophie et…
    — Richard Gaétan ?
    — En personne. On ne sait pas ce qui est survenu, !nais on s’en doute.
    — On se doute de quoi ?
    — Ben… Oh, et puis zut, vous êtes bouché ! Faut vous mettre les points sur les i ? Il lui a refilé des sous, et… Vous voulez un dessin ?
    — Vous l’avez revue ?
    — Sophie ? Oui, au procès. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Ah, si ! Elle a convolé avec un vieux qui s’est épris d’elle pendant les débats. Elle s’est tirée en Amérique.
    — Et Louise ?
    — Elle a trouvé du boulot rue d’Aboukir, je vous l’ai dit. On se voyait chaque quinzaine. On sortait en filles, on allait guincher. L’été, on se payait une frite à Nogent, on faisait du bateau sur la Marne.
    — Elle avait de la famille ?
    — Sa mère a disparu quand elle avait douze ans. Elle a eu la chance d’être parrainée par un bienfaiteur des orphelins qui l’a casée dans un ouvroir.
    — Elle avait été recrutée récemment par une amie américaine. Serait-ce Sophie Clairsange ?
    — Comment voulez-vous que je le sache, quand Loulou est morte ça faisait un mois que j’étais sans nouvelles. Sophie Clairsange est à Paris ?
    — Il semblerait.
    — Vous pensez que sa présence est liée à l’assassinat de Loulou ?
    — Possible. Venez.
    — Non mais dites donc !
    — Maurice est fou de chagrin. Il possède des défauts mais il vous aime. Pourquoi êtes-vous partie de la rue Girardon ?
    — On s’est disputés.
    — Il est triste.
    — C’est vrai ? Pauvre bichon !
    — Angélique, ça vous dit quelque chose ?
    — C’est de la pâte de fruits.
    Tasha décrocha le téléphone. C’était Joseph.
    — Ton beau-frère, dit-elle à Victor, qu’est-ce qu’il veut encore ? Quand tu auras fini de papoter, viens à l’ atelier.
    Victor prit le combiné et s’assura que Tasha traversait la cour.
    Joseph lui apprit que Sophie Clairsange avait quitté l’hôtel à la hâte et que, grâce à son stratagème, il était quasiment sûr qu’elle était retournée rue Albouy.
    — Excellent, Joseph, vous m’avez donné une idée. Vous avez de quoi écrire ? Notez.
     
    En ville, vendredi 23 février
    Chère Madame, il est important que nous échangions certaines informations, il y va de votre sécurité. Soyez à midi au buffet de la gare de l’Est. Portez un chapeau sans voilette et une rose blanche à la boutonnière.
    — Vous glisserez ce mot dans une enveloppe au nom de Clairsange et vous le remettrez à la petite bonne, demain à la première heure. Attention, voilà Tasha.
    Victor haussa le ton.
    — Combien de fois devrai-je vous le répéter, Joseph ! Je ferai un saut chez Mme Albouy demain matin. Si M. Guérin réclame son livre de voyage Le Chinois bleu , dites-lui que je compte sur un arrangement avec le vendeur. Je vous verrai demain à la librairie.
Vendredi 23 février
     
    Sous le cadran d’une horloge pneumatique qui distillait les secondes, le hall grouillait d’une foule bruyante et houleuse. Des porteurs en casquette, blouse et ceinture aux initiales de la Compagnie des chemins de fer de l’Est, disputaient aux bagotiers des monceaux de bagages. De longues files de voyageurs s’écoulaient de l’escalier de marbre. Victor se posta à la terrasse du buffet. Il aurait pu envisager une rencontre avec Sophie Clairsange en un lieu plus tranquille, mais il avait jugé qu’une gare était l’idéal pour se

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