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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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du soir, son anxiété s’accrut, il alla aux nouvelles chez le fruitier de la rue Norvins, qui n’avait pas vu Mimi. Il pensa à un accident. Il courut au commissariat. Rien. Il se rua rue Girardon. Machinalement, il sonda la boîte aux lettres, y pêcha une feuille de papier :
    Adieu, je pars. Tu pourras recevoir tes maîtresses en paix, ne tente pas de…
    Il ne put en lire davantage !… Il se dirigea vers le lit et s’effondra en sanglotant sur l’oreiller, son oreiller à elle !
    On frappait. Il se leva d’un bond. Mimi
    Victor Legris se tenait devant lui.
    — Laumier, qu’est-ce qui vous arrive ?
    — Mimi m’a plaqué.
    — Où a-t-elle pu aller ?
    — Sûrement pas chez sa cousine Loulou, elle est morte. À part elle… Il y a cette copine qui pose pour Lautrec.
    — Où habite-t-elle, cette copine ?
    — 10, rue Saint-Vincent, troisième gauche.
    — Je vais vous la ramener, votre Mimi. Montrez-vous plus compréhensif et cessez de rivaliser avec Casanova.
    — Elle affabule, depuis qu’on est en ménage je n’ai jamais…
    — Et ma sœur Iris ?
    — Oh, votre sœur, c’était du badinage.
     
    Victor déambulait dans un entrelacs de venelles tortueuses où les frondaisons des arbres débordaient de palissades et de murs noircis gravés de serments d’amour ou de graffitis obscènes. Des lessives pendouillaient au-dessus d’escaliers disloqués et de jardinets en friche. De rares ménagères bardées de lainages et un ou deux rapins à cheveux longs et pantalons à la housarde se risquaient par les chemins boueux. Une résille de neige coiffait les bicoques où clignotaient les lueurs falotes des mastroquets. La lanterne du numéro 10, un hôtel, ressemblait à une veilleuse de malade. Victor grimpa au troisième et toqua. Une fille en peignoir lui ouvrit et retourna touiller un pot-au-feu dans la chambre meublée de caisses, à peine plus large qu’un cagibi.
    — Mimi ? Vous la dégoterez chez Adèle, au 4 de la rue des Saules.
    À mi-pente de la butte que surplombait la dentelle des échafaudages du Sacré-cœur, Victor atteignit l’ancienne Auberge des assassins 53 , rebaptisée À ma campagne . Derrière une terrasse plantée d’un acacia se carrait une maisonnette à un étage au toit recouvert de tuiles plates. Victor détailla l’enseigne peinte à même le mur, œuvre du peintre André Gill, représentant un lapin jaillissant d’une casserole, une bouteille de vin sous la patte. L’animal avait donné à l’établissement son surnom de cabaret du Lapin à Gill , déformé en Lapin agile . Adèle, une danseuse de l’Élysée-Montmartre, compagne du chansonnier Jules Jouy, l’avait reconverti en beuglant, où elle servait une cuisine réputée et interprétait d’une voix acidulée des romances du folklore français.
    Victor pénétra dans une pièce où était aménagé le bar abouché à une vaste salle pourvue de tables cirées, de bancs, de tonneaux vides et d’une cheminée à hotte où ronronnait un bon feu. Des commerçants du quartier, des poètes à deux sous, des filles en cheveux louaient à la manille en buvant des grogs. Bientôt, dans une ambiance bon enfant, ils se mêleraient aux voyous grimpés de la Chapelle et de la Goutte d’Or et entonneraient à l’unisson les refrains d’Adèle.
    Victor s’installa face à Mimi, blottie au coin de l’âtre.
    — M’sieu Legris ! Comment vous m’avez trouvée ?
    — C’est Laumier qui m’a…
    — Vous êtes son intermédiaire ?
    — Non, rappelez-vous, vous m’avez supplié d’enquêter sur l’assassinat de votre cousine Louise Fontane. J’ai la nette impression que vous ne m’avez pas tout dit. Si vous voulez que je parvienne à un résultat, il va falloir m’assister.
    — Que voulez-vous savoir ?
    — Le procès de la femme Thomas, en 1891, vous…
    — Et alors, quel rapport ?
    — Un nom, un élément anodin ont peut-être une importance majeure pour mettre la main sur l’assassin de Louise. Allez, confessez-vous à moi, je suis discret. Connaissiez-vous Richard Gaétan ?
    — Un beau salaud. Il abusait de ses employées, surtout les jeunettes, ensuite, basta ! Je sais de quoi je cause, j’ai turbiné dans son usine, une copine à Loulou a manqué y laisser sa peau. Moi aussi, j’ai fréquenté l’officine de la femme Thomas, vous êtes content ? La Thomas a été arrêtée à la suite du décès d’une de ses patientes et elle nous a dénoncées. Je dansais

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