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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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d’une masure à l’autre. Des chiens aboyaient, une vache beugla, et un méchant petit coq agressa les mollets de Joseph, qui se précipita dans la première cour venue. Près d’un puits, une femme et deux fillettes, visiblement gelées, tiraient de l’eau dont elles emplissaient un baquet réservé à la vache, une normande pie.
    — Bel animal, constata Joseph, délivré du gallinacé.
    — Et une aubaine, sans son lait on la sauterait, les mioches et moi.
    — Elle est potable, cette eau ?
    — J’pense bien, et elle a meilleur goût qu’celle de la source sulfureuse de la rue d’l’Atlas ! C’est avec ça qu’on arrose le potager. J’vous donne un verre ?
    — Je vous remercie, je n’ai pas soif. Savez-vous où habite M. Sylvain Bricart ?
    — Le millionnaire ? Au bout du passage, impossible de vous tromper, c’est lui qu’a la plus grosse baraque, même qu’elle est en pierre, et verrouillée de partout, il a trop peur qu’on l’dévalise.
    Comme la vache demeurait immobile, le coq s’enhardit et tenta une contre-attaque, repoussée par les gamines qui le coursèrent jusqu’à un poulailler.
    — Vous exagérez sa fortune, il ne vend que des croûtes de pain, marmonna Joseph, guignant les filles occupées à refermer le grillage.
    — Ça lui rapporte de l’or, soyez-en certain. Bon, j’admets qu’c’est pas l’mauvais bougre. Depuis que mon Théodule a été viré de l’atelier et qu’il va sur les quais vider les péniches ou dans les gares aider au service des bouillottes, le Sylvain nous tire d’embarras. Hier encore, il m’a fourni un plein sac de craquelins durcis, y suffit d’les tremper dans du lait et on se régale. Ça d’vient coton d’obtenir du crédit chez le boulanger et le bougnat, et j’ai déjà presque tout engagé au clou.
    — C’est donc un brave homme que ce Bricart.
    — Voire…
    Et la commère de raconter que le millionnaire possédait un manoir dans le Berry et que d’ici peu il s’y retirerait afin d’y couler une vieillesse oisive.
    — Notez, ça s’ra mérité, il s’décarcasse pire qu’un baudet. Et pis lui, l’a pas d’bouches à nourrir, ajouta-t-elle en contemplant sa progéniture.
    Harcelé par la vision d’un bébé aux yeux bridés aussi vorace qu’un énorme oisillon, Joseph gagna l’extrémité de la venelle.
    — Elle a ma foi raison, c’est plutôt un fortin qu’un logis, son domicile, bougonna-t-il face à un cube de ciment précédé d’une porte métallique.
    Il frappa à plusieurs reprises avant qu’un œilleton ne permît son identification.
    — Ah, c’est vous, mâchonna Sylvain Bricart, qui pointa son museau prognathe et, après s’être assuré qu’il était seul, l’autorisa à s’avancer.
    — Pourquoi tant de précautions ?
    — On n’est jamais assez prudent, l’envie mène le inonde.
    Une alléchante odeur de gâteaux filtrait d’une resserre. Joseph imagina un four empli de massepains et de nonnettes, deux de ses péchés mignons, et saliva. Il sortit d’une de ses poches un livre prisonnier d’un emballage mal ficelé.
    — C’est une commande à l’intention de Mlle Sophie Clairsange – ou plutôt Mathewson, j’ai découvert la totalité de ce nom dont vous ne m’aviez révélé que la première syllabe.
    Sylvain Bricart gratta sa tignasse poivre et sel. Il n’était pas vêtu du costume utilisé lorsqu’il travaillait, mais d’une blouse, d’un pantalon rapiécés et de bottes à l’empeigne déchirée. Il paraissait s’être saupoudré de farine.
    — Ben, pourquoi me le remettre à moi ? Livrez-le donc à l’hôtel !
    — Mile Clairsange a filé à l’anglaise.
    — En ce cas, vous n’avez qu’à l’déposer à la confiserie.
    — Quelle confiserie ?
    —  Au Chinois bleu , rue des Vinaigriers, chez la veuve Hermance Guérin.
    — C’est que mon patron va renauder, j’ai promis de rentrer dare-dare.
    — Et moi j’ai du pain sur la planche, figurez-vous, alors la rue des Vinaigriers, peau d’balle et balai d’crin ! A dire le vrai, la patronne m’envoie bouler une fois sur deux. Y a pas à tortiller, le retour d’âge, ça vous détraque les nerfs d’une femme. Qu’est-ce que c’est ? Un roman ?
    —  Histoire d’un crime , de Victor Hugo.
    — Ah ! Hugo… Il m’a valu une nuit au poste. l’avais fait du barouf avec les étudiants parce que gouvernement interdisait Ruy Blas . On a échangé des horions, les sergots et

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