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Le talisman de la Villette

Le talisman de la Villette

Titel: Le talisman de la Villette Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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emménagé chez elle, une vraie p’tite famille. Alors la Sophie, c’est un peu ma môme.
    — Si Mme Guérin est sa mère, pourquoi se nomme-t-elle Clairsange ?
    — C’est le nom de jeune fille d’Hermance. Marcel Guérin a refusé de reconnaître la mouflette.
    — Vous ne vivez plus ensemble, Mme Guérin et vous ?
    — Dites donc, vous comptez écrire mes Mémoires ? Les Mémoires d’un âne , tant qu’on y est ! Ça a duré dix ans, et puis voilà qu’cette rouée s’est avisée de me gratifier de cornes avec j’sais pas qui ! Sur ce, j’ai dit bon vent, mais on est restés en relation, au fond c’est aussi bien.
    — Et ce procès au cours duquel vous avez aidé Sophie ?
    — Une belle vacherie ! La justice qui s’indignait parce que des femmes, des riches mais surtout des pauvres, avaient osé s’insurger contre une maternité non désirée. J’ai plaidé la cause de la Sophie, et j’en suis fier, même qu’on m’a cité dans les canards !
    Il produisit un carnet dépenaillé où il avait collé des coupures de presse. Son nom était plusieurs fois imprimé dans la liste des témoins à décharge, entre celui d’un missionnaire, bienfaiteur des orphelins, et celui d’une cousette qui affirmait avoir assisté au viol d’une de ses amies.
    — C’est pas tout ça, la deuxième tournée s’annonce à l’horizon, je vais au bercail, à la vôtre, mon gars ! s’écria Sylvain Bricart en sifflant son verre.
    Joseph l’imita, aussitôt le décor se mua en un océan démonté. Incapable de bouger, il serra la main que lui tendait le millionnaire et resta prostré, couvé du regard par la tenancière qui n’avait plus que ce jeune homme à se mettre sous la dent.
    Lorsqu’il eut maîtrisé le tremblement enfiévré qui le rivait à son siège, Joseph profita d’un moment d’inattention de la gargotière pour tituber jusqu’à la rue de la Villette, où il attrapa un fiacre. Il se fit conduire rue des Vinaigriers.
    « Battre le fer tant qu’il est brûlant. Sonder cette Mme Guérin. Si elle nous a dissimulé que Sophie Clairsange est sa fille, c’est qu’elle cherche à la couvrir, ou qu’elle-même a la conscience douteuse. »
    Un brusque accès de torpeur éthylique le transporta sur un champ de bataille où un monstrueux coq nommé Velpeau pourchassait l’ignoble Zandini déguisé en vache normande.
    — Faut vous l’brailler en turc ? Z’êtes rendu ! claironna le cocher en lui secouant le bras.
    Ahuri, Joseph régla la course rognée cette fois du pourboire. Il ignora le chapelet d’injures occasionné par cette omission.
    Le Chinois bleu éclairait la triste rue des Vinaigriers tel un fanal dans la grisaille. La boutique alliait le stuc, le marbre et les miroirs afin de composer un cadre raffiné aux affriolantes friandises alignées sur ses comptoirs. Trônant derrière la caisse, la patronne abaissait son bonnet de dentelle noire vers le tricot qui la distrayait aux heures creuses. Joseph se félicita d’être le seul client. Au tintement de la sonnette, Hermance Guérin releva un visage ingénu de poupée défraîchie et ses yeux azur cillèrent comme s’ils se réadaptaient à la réalité.
    — Que désirez-vous, monsieur ?
    — Un cadeau pour ma femme, elle attend un enfant, elle a des envies de sucré. Que me conseillez-vous ?
    — Je vais vous préparer un assortiment. Des pralines, des fondants, des berlingots. Elle aime la menthe ?
    — Il me semble.
    — Des pastilles de menthe et de la guimauve. Ah ! Quelques bonbons à la violette. C’est pour quand ?
    — Quoi donc ? bredouilla Joseph, fasciné par un bocal de caramels.
    — L’accouchement.
    — Pas avant juillet.
    — Vous avez choisi un prénom ?
    L’intérêt d’Hermance Guérin était teinté d’une politesse indifférente.
    — Si c’est une fille, Évangéline, et si c’est un garçon, Sagamore.
    — Ce sont des noms chrétiens ? s’enquit-elle, interloquée.
    — Mes beaux-parents sont américains. Oh ! Quel étourneau je suis : vous avez de l’angélique ? jeta-t-il, dardant sur elle des yeux en boules de loto.
    — C’est plutôt un article de pâtissier.
    — Justement, ma mère souhaite confectionner un gâteau, et si je lui déniche pas son angélique… – Malheureusement je suis à court. Ce sera tout ?
    — Oui, je viendrai vous acheter les dragées au moment opportun.
    — Vous êtes du quartier ? demanda Mme Guérin tout en lui

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