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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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sur une réponse qui ne venait pas. Mais ce n’était pas l’ombre la plus terrible. D’autres surgissaient, les yeux arrachés, le front en sang, qui tournoyaient comme des oiseaux de proie. Face à ces hallucinations, l’angoisse de Roncelin était telle qu’il se collait contre le corps du rabbin. Le cadavre refroidissait lentement. Sans odeur. Pourtant, sous la plateforme, des rats, mystérieusement en éveil, grinçaient des dents, attendant leur heure. Roncelin tendait la main. Dans la mort, le visage de Maïmonès s’était creusé. Entre les traces des coups et le travail de décomposition, un nouveau paysage se créait, fait de vallons devenus abrupts et de ravins spongieux. Cette atroce proximité pourtant le rassurait, surtout quand l’image de la bergère apparaissait. Les lèvres blanches comme la chaux, les orbites où brillait un regard de braise, chaque détail racontait un calvaire qui faisait hurler Roncelin dans l’obscurité.
    En plus, il entendait des coups sourds qui résonnaient contre la paroi. Comme si une bête mystérieuse forait un tunnel dans la pierre. Il hurla à nouveau. C’était sûr, il devenait fou.

    Palais du roi
    Avec ses allures de forteresse austère, ses tours d’angle de pierre grise et ses murs aveugles, le palais du roi avait toujours eu mauvaise réputation. Les habitants de Jérusalem hâtaient le pas devant la porte d’entrée sévèrement gardée en permanence. Ces lieux où se faisait – et se défaisait – l’avenir du royaume inspiraient de tout temps une crainte innée de la part du petit peuple. Depuis plusieurs années, l’empereur Frédéric qui avait reconquis la ville n’était plus qu’un souvenir. S’il portait toujours le titre de roi de Jérusalem, ce n’était qu’une façade derrière laquelle la réalité du pouvoir se dissimulait. Un pouvoir que nul n’était parvenu à s’arroger. Aucune figure charismatique n’avait émergé. Tout au contraire, les grands seigneurs du royaume de Jérusalem s’étaient partagé les organes de décision de telle manière que personne ne puisse jamais devenir dominant. Une situation de statu quo , qui, si elle équilibrait les ego et les appétits de chacun, interdisait en revanche toute évolution du système.
    Les royaumes immobiles sont des royaumes morts , pensait le Légat en saluant les membres de la cour. Le sourire constant, la parole aisée, le représentant du pape était en tournée de séduction. Il prêchait la grandeur de la foi à de vieilles douairières que la proximité de l’enfer empêchait de dormir, souriait aux plaisanteries souvent grasses des seigneurs du cru, écoutait avec application les avis sur la stratégie militaire. Derrière son visage attentif, son esprit parcourait plusieurs pistes à la fois. Tout en laissant apprécier son sens de la répartie ou l’intensité de ses réflexions spirituelles, il examinait à nouveau toutes les données sur le pillage d’Al Kilhal. Les espions de son conseiller n’avaient toujours rien appris sur la dispersion du butin. Alors que la rançon, extorquée aux habitants, était d’importance, elle semblait s’être volatilisée en même temps que les pillards. Pour le Légat, cette disparition était pourtant un signe favorable : le trésor était à l’abri, sans doute dissimulé dans un endroit décidé à l’avance. Et un seul homme pouvait avoir prévu pareil plan : Roncelin. Le Provençal n’avait pas parlé pour l’instant, mais… Le Légat sourit imperceptiblement. De toute façon, il s’était fait la main sur le rabbin.
    Le prélat se tourna vers son conseiller qui le suivait dans sa visite pastorale. Tout en saluant un abbé bénédictin, il l’interrogea :
    — Qu’avez-vous fait du corps du Juif ?
    — Seigneur, après que vous avez daigné vous occuper personnellement de son cas, nous l’avons retiré de la chapelle.
    — Pour le mettre où ?
    — Dans le Puits. Ça devrait délier la langue de son compagnon.
    Un chevalier richement vêtu s’avança et salua. Le Légat reconnut un poulain . On rangeait sous cette dénomination des hommes et des femmes nés des amours, souvent hors mariage, entre chrétiens et musulmans. Pour l’Église, ces poulains , de plus en plus nombreux, étaient un sujet de scandale. Comment savoir quelle était leur vraie religion ? Sans marquer son aversion, le Légat rendit son salut. Mais son visage se durcit quand il aperçut les représentants des chrétiens de

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