Le Temple Noir
toujours à sa place, niché dans le lacis de petites ruelles des Inns. Au-dessus, de gros nuages noirs arrivaient en provenance de l’est.
Quel secret liait cette église à saint Paul ?
L’aveugle persécuteur et son surveillant.
Il sentit le corps de la Louve se plaquer derrière lui. Une main se glissa contre son bas-ventre.
— Une pause charnelle te ferait le plus grand bien, mon amour.
La main déboutonna son pantalon et se faufila à l’intérieur. Une onde de plaisir envahit son cerveau.
— Tu as peut-être raison.
Sous l’effet de la caresse, son corps tressauta et il perdit Temple Church de quelques degrés pour se fixer sur un grand dôme blanc qui luisait au soleil. La main continuait son œuvre, son sexe durcissait rapidement. Il n’allait pas tarder à s’abandonner complètement quand soudain une idée jaillit. Il diminua la focale des jumelles pour avoir une vue plus large de l’édifice sur lequel il s’était arrêté par erreur.
Saint Paul.
Mais oui.
C’est moi, l’aveugle.
— Tes caresses sont une véritable bénédiction, dit-il en sortant la main de la Louve de son entrejambe. Sais-tu ce que je regarde en ce moment ?
— Non, mais ça a intérêt à être important. Aucun homme n’a encore refusé mes caresses.
— Mon Dieu… Le temple mère. Ce n’est pas Temple Church, mais Saint-Paul. La cathédrale Saint-Paul, construite après le « Grand Incendie » de 1666.
— Formidable !
Il se serra contre elle, le regard exalté.
— Bien sûr ! Le surveillant n’est autre que l’architecte de Saint-Paul, un franc-maçon extraordinaire, un génie de notre pays.
— Mais le son premier ?
Lord Fainsworth lui prit le cou et l’embrassa en chuchotant à son oreille :
— Une référence maçonnique au premier coup de maillet du vénérable. Le crâne nous indique qu’il faut trouver le maillet de cet architecte. Et je sais où il se trouve. Il est ici. À Londres.
39
Jérusalem
Novembre 1232
Aujourd’hui était jour de grâce dans la cathédrale de Jérusalem. Dans la nef, baignée d’une lumière bleutée qui tombait des vitraux, des croyants se pressaient en nombre. Marchands à la face rebondie qui battaient leur coulpe à genoux, pèlerins déposant des ex-voto au pied de la Croix, seigneurs implorant miséricorde, tous attendaient le moment où ils pourraient expier leurs péchés. Et tous tournaient leur regard vers la chapelle Saint-Jean.
Là, sous les murs noircis par la fumée séculaire des chandelles, assis sur un banc de bois et séparé des pénitents par une tenture brodée, le Légat entendait en confession. Tous les dix jours, le Renard organisait une séance de purification dans une des églises de la ville, se déplaçant même hors les murs, dans les bas quartiers, pour apporter la paix du Sauveur. Ainsi on l’avait vu dans une maladrerie à genoux près de paillasses où des agonisants repassaient en pleurant les fautes de leur vie avant d’affronter le jugement divin.
Mais ce que le Légat appréciait plus que tout, c’était la confrontation avec un pécheur endurci. Une de ces âmes souillées de vices, baignant dans la fange, et qu’il disputait au Mal comme s’il se battait en duel avec Satan lui-même. Dans cette bataille, il n’épargnait aucun moyen. Son éloquence atteignait des sommets, surtout quand il décrivait les tourments infinis de l’Enfer. Les larmes des pécheurs transformées en torrents de feu, leurs entrailles brûlant jour et nuit… À l’entendre prêcher, des hommes, pourtant réputés pour leur dureté, s’étaient mis à implorer pitié, des femmes s’étaient évanouies de terreur. La colère de Dieu parlait par la voix du Légat.
Depuis que la nouvelle s’était répandue, tout Jérusalem espérait s’approcher de cet homme. De la populace aux courtisans, des artisans aux religieux, chacun n’avait plus qu’un désir : entendre de la sainte bouche du Légat le pardon de ses péchés. Pour le Renard, il s’agissait d’un acte religieux autant que politique, car cette disponibilité à l’égard de tous lui gagnait le cœur des humbles. À la différence des membres de la cour qui caracolaient en ville sur des chevaux de prix, escortés de cohortes de valets, le Légat, lui, apparaissait comme un homme simple, proche des gens. Certains le considéraient même comme un saint. Et les informateurs du dominicain ne manquaient pas de propager, sur les foires et dans les
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