Le Temple Noir
l’impasse et pas un maçon anglais ne lui donnerait un coup de main, d’ailleurs il n’en connaissait pas. Pourtant, il avait deux bonnes pistes. Concordia avec son énigmatique patron et les types du Freemasons’ Hall. C’était rageant.
Sauf… Mais oui. Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt.
— On peut appeler avec son portable dans cette tanière ?
— Non. Prends la ligne fixe, à côté des fauteuils, mais elle est sur écoute.
Antoine s’enfonça dans le vieux chesterfield et forma le numéro du frère obèse. Un déclic se fit entendre puis une voix, pâteuse, grave, retentit.
— Oui…
— Marcas à l’appareil. Comment vas-tu ?
— À merveille, je pisse dans un haricot et je mange des carottes bouillies. Et pour m’occuper, je lis un bon polar belge. Ça devrait t’intéresser, L’ Étoile du soir de Christophe Collins ; ça raconte l’histoire d’un flic frangin, un peu comme toi. Enfin, en plus intéressant, il y a plus de sexe. Et ton enquête ?
— Tu n’as pas perdu ta gouaille, c’est bon signe. J’ai besoin de toute urgence des coordonnées de ton pote, le frère anglais. L’ex du Yard.
— Je l’ai déjà prévenu de ton arrivée et je pensais t’avoir envoyé comment le contacter. Attends, je regarde dans mon portable.
Antoine vit Jade sortir de la pièce. Des éclats de voix résonnaient dans le couloir. Il attendit patiemment que son interlocuteur trouve les infos mais les secondes s’écoulaient un peu trop lentement à son goût. Il chuchota dans le combiné.
— J’ai l’impression que l’ambassadeur n’est pas ravi de ma présence. Il a eu des pressions du cabinet du Premier ministre pour ne pas ennuyer une société sur la liste des suspects. Tu pourrais avertir le DGPN ?
— Je vais lui passer un coup de fil. Quel est le temps à Londres ?
— Hélas, il pleut.
— Je m’en doutais. Je t’envoie les coordonnées par SMS . Bonne chance.
Il avait raccroché. Antoine masqua son sourire, le frère obèse s’était douté d’une mise sur écoute de la ligne en s’intéressant à la météo. L’expression maçonnique il pleut signifiait la présence de profanes et par extension d’usage que la conversation n’était pas sûre.
Jade revint dans la pièce. Elle paraissait tendue.
— Le responsable du Laminoir n’est pas content du tout de ta présence. Il va en référer au centre. Je sens que je vais me faire passer un savon.
Marcas s’était levé et avait remis sa veste.
— On va m’envoyer les coordonnées d’une personne qui pourrait m’aider. Puis-je sortir pour récupérer du réseau ?
— Je t’accompagne, j’en profiterai pour m’en griller une, répondit Jade sur un ton froid.
Ils refirent le trajet en sens inverse et s’arrêtèrent devant le porche de l’immeuble. Au loin, derrière le parc à jeux, on entendait les grincements métalliques d’un train qui freinait. Un groupe de trois jeunes, cagoules baissées sur la tête, pantalons de survêtement amples et sweat-shirts aux couleurs du club de West Ham, passa dans la rue, en lorgnant la Yamaha de Jade qui fumait en devisant avec le gardien des poubelles.
Marcas se demandait s’ils auraient le culot de la désosser sous leurs yeux. Soudain, il vit s’afficher un numéro de téléphone avec un indicatif anglais suivi d’un court message.
Peter Standford. C’est un très bon ami, tu peux avoir confiance en lui. Je lui ai sauvé la mise il y a quelques années… Préviens-moi en cas de problème.
Pendant qu’il appelait le numéro, Antoine vit les trois gamins détaler à la vue du gardien qui s’approchait d’eux, le regard peu avenant.
Cinq minutes plus tard, il raccrocha et se dirigea vers Jade, qui jetait son mégot sur la pelouse miteuse. Son visage affichait une expression énigmatique.
— C’est reparti pour un tour de moto, ma belle. L’entraide maçonnique n’est pas un vain mot.
— Pour aller où ?
— Chez la reine d’Angleterre. Buckingham Palace !
1 - Service de renseignements soviétique, l’ancêtre du KGB.
42
Ferme d’Ein Kerem
Roncelin gisait sur une paillasse. Son corps reposait dans une immobilité inquiétante. Le Devin saisit sa main suppliciée et appuya sur la plaie encore vive. Aucune réaction.
— Il ne sent plus rien, expliqua Évrard, c’est le premier effet de la poudre. La vie se retire de l’épiderme, des muscles, jusqu’aux nerfs qui ne réagissent plus.
— Et il n’y
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