Le Temple Noir
tenter la menace ou jouer l’hésitation, les mots ne changeaient pas le rapport de force. Le ravisseur avait besoin de montrer son autorité, et cherchait le moindre prétexte pour infliger une double souffrance : physique à la personne kidnappée et morale sur la famille.
La voix de la Louve sifflait, comme un serpent, dans son portable.
— Elle est très belle, ta femme. Avec moins de doigts, elle aura du mal à te caresser…
Marcas respira profondément. Seule attitude : montrer sa soumission en reformulant les menaces du ravisseur. Ça marchait. Parfois.
— Je saisis parfaitement la situation. Gabrielle est entre tes mains et elle risque d’être torturée si je n’obéis pas. Que dois-je faire ?
Quelques secondes s’écoulèrent, puis la Louve reprit la parole :
— Nous savons que tu es auprès de tes frangins anglais. Il nous faut un objet qui se trouve dans le musée. Apporte-le nous et tu récupéreras ta compagne.
— Lequel ?
— Un maillet, un simple maillet. Comme celui que vous utilisez en loge, pour ouvrir les travaux. Tu vois, c’est raisonnable, je ne te demande pas de dévaliser la Banque d’Angleterre.
Marcas crispa sa main sur le portable. Il était plongé dans un cauchemar. Son visage devint blême. De son côté, Jade continuait sa conversation, mais elle venait de s’apercevoir que quelque chose n’allait pas. La Louve siffla à nouveau :
— Il existe un musée dans Freemasons’ Hall. Et dans ce musée est exposé le maillet du frère Christopher Wren, architecte de la cathédrale Saint-Paul. Débrouille-toi pour nous l’obtenir. En échange, nous te rendrons ta compagne.
— Vous avez vos spécialistes en matière d’emprunt , non ? J’en ai fait l’expérience…
— Fais ce qu’on te dit. Si d’ici deux heures tu n’as pas mis la main sur cet objet, je coupe un premier doigt, puis un autre toutes les heures. Je me suis bien fait comprendre, mon Antoine ?
— Oui, répondit-il d’une voix blanche. Je veux parler à Gabrielle encore une…
La ligne avait coupé. Marcas resta figé sur place. Sa marge de manœuvre se réduisait à une peau de chagrin. Non seulement, il n’avait aucun moyen de retrouver l’appel et de localiser la ravisseuse mais en plus, il devait commettre un vol, au risque de se voir coffrer. Il était sûr que les hommes qui avaient failli l’enlever étaient dans la place et l’observaient.
Une main se posa sur son épaule. Il sursauta et se retourna. Jade se tenait devant lui.
— Tu as une tête de déterré. Ta copine t’a largué, mon grand ?
— C’est pas le moment, répondit-il sur un ton sec.
Ils restèrent face à face quelques instants. Antoine ne savait pas comment se sortir de cette situation. Il ne pouvait pas se pointer dans le musée, assommer le ou les gardiens et voler le maillet devant tout le monde. Et pourtant, c’était l’unique façon de retrouver Gabrielle vivante.
Il devait trancher rapidement. Maintenant. Il se rapprocha de Jade et fit semblant de sourire.
— Mon amie, Gabrielle, a été enlevée par la Louve et ses complices. Ils menacent de l’exécuter si je ne vole pas un objet dans le musée.
— Cette fois, il faut contacter la police, Antoine. Ça nous dépasse.
— Non ! Je vais leur obéir, du moins jusqu’à un certain point, mais j’ai besoin de ton aide. Je peux compter sur toi ?
L’Afghane le fixa avec gravité. L’ironie qui pétillait d’habitude dans son regard avait disparu.
— Évidemment. Et Standford ?
Ils se tournèrent tous les deux en direction du frère anglais, en train de saluer des connaissances qui s’installaient à une table voisine.
— Je ne sais pas. Il a promis de m’aider, mais je le vois mal trahir les siens et se compromettre dans un vol. C’est un ancien du Yard et il est au service de la reine. Ton avis ?
— Il y a un risque de le voir tout raconter à la police, mais d’un autre côté c’est le seul à pouvoir nous aider dans le musée. Il connaît tout le monde ici et ça peut l’amuser de t’aider. En jouant les probabilités, je dirais un 80-20. Quatre-vingts pour cent de risques qu’il te lâche, vingt pour cent qu’il rentre dans le jeu. La raison contre l’intuition.
Marcas hésitait. À chaque fois qu’il avait pris des décisions dans des situations dangereuses, il misait sur sa chance. Mais cette fois, il n’était pas seul, la vie de Gabrielle était en jeu. Il consulta sa montre, presque
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