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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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quartier, pensa le Devin, en serrant sa cape autour de sa taille. Le ciel, quoique éclairé par la lune, était bas et lourd. Des écharpes de brume se prenaient à la pointe des clochers tandis que les sons semblaient amortis comme dans du coton. Un pèlerin, une coquille ébréchée pendue au cou, s’approcha du templier en bredouillant un patois guttural. Le Devin leva sa main, la croix du Temple était gravée dans sa chair. Le regard bovin et les épaules rentrées, le pèlerin recula aussitôt. En Terre sainte, même les ivrognes avaient des réflexes de survie. Le froid devenait plus intense. Le sol meuble et dur résonnait sous les pas. Pour autant, le Devin ne s’inquiéta pas. Les soldats du guet, prudents et surtout résignés, descendaient rarement dans le quartier ; quant aux autochtones, ils se gardaient bien de se mêler des affaires d’autrui. De toute façon, le collecteur de cadavres passerait au matin pour nettoyer les rues.
    À l’approche des murailles, les maisons d’habitation se faisaient plus nombreuses, les tavernes plus rares. Beaucoup de poulains s’étaient regroupés là. Cette population, métissée de chrétiens et de musulmans, vivait d’un commerce, plus ou moins licite. Contrebande de vin pour les fils d’Allah, oublieux des préceptes du Prophète, ou trafic de reliques pour les prêtres véreux et les pèlerins trop naïfs. Le Devin s’arrêta devant une façade percée de rares fenêtres. La porte était close, mais un heurtoir en bronze semblait attendre le visiteur. Le Devin frappa trois fois, puis recula pour examiner la façade. Une lueur brilla fugitivement à l’étage, réapparut au rez-de-chaussée avant que ne s’ouvre le judas. Aussitôt, un bruit de ferraille résonna le long de la porte qui donnait sur une entrée étroite, éclairée par un bec d’huile.
    Sans attendre, le Devin s’engouffra dans le couloir et déboucha dans la salle basse. Une femme chauffait son dos contre l’âtre de la cheminée. Tout le long des murs couraient des rangées d’étagères, encombrées d’objets disparates allant du coffret sculpté à un ostensoir en argent, d’icônes criardes à des statuettes noircies.
    — Ah, mon Devin, te voilà de retour au bercail.
    La domestique qui avait ouvert la porte approcha un siège près du feu. Le Devin tendit les mains vers la flamme et examina son hôte. Nul ne connaissait son âge véritable. Elle faisait partie de ces rares femmes qui ont trente ans toute leur vie. Était-ce sa naissance, fille d’un musulman de passage et d’une Franque venue de Normandie, ou bien son éternelle jeunesse trouvait-elle son origine ailleurs ? Dans le quartier, on n’abordait le sujet qu’à voix basse et on faisait les cornes du diable. Nul ne comprenait comment cette bâtarde, qui sans aucun doute avait partie liée avec le Malin, pouvait avoir le commerce de reliques le plus florissant de Jérusalem. Le Devin, lui, savait que la protection du Temple lui était garantie en échange de quoi sa maison était ouverte à tous les frères qui en avaient besoin. Un lieu de rendez-vous discret où des dignitaires pouvaient discuter avec des notables d’autres confessions, un lieu de refuge où les espions du Temple entraient avec une identité et en ressortaient avec une autre.
    — Tu viens me rendre visite ou tu n’es que de passage ?
    — Les deux, répondit le Devin en examinant un coffret d’argent sur une des étagères.
    — Du bel ouvrage que j’ai acheté à un moine qui venait du mont Athos. Un Grec chassé de son monastère. Il aimait trop les novices.
    — Et il contient ? demanda le templier en faisant jouer la serrure.
    Une odeur imprévue monta d’un coup.
    — Des reliques de saint Grégoire : une phalange et deux métacarpes. Je les conserve dans du thym, mélangés à du safran. Les os, surtout de la main, sont très fragiles. Les aromates aident à leur conservation.
    Le Devin hocha la tête et sortit un sachet de son pourpoint. Le philtre qu’Évrard avait fait ingurgiter à Roncelin.
    — Cache-moi ça quelque part.
    La femme se leva nonchalamment et prit un bocal émaillé. Le couvercle résista quand elle l’ouvrit.
    — Je vais le mettre là. Il y a peu de chances que l’on m’en demande.
    — C’est qui ?
    — Un saint du Limousin. Pardoux. Il est censé guérir du désir d’alcool. Je doute que, dans le quartier, on le réclame pour faire des miracles. Tu comptes rester jusqu’à

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