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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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se retrouvaient dans les parties communes de leurs collèges respectifs pour boire un verre, faire une partie de fléchettes ou tenter leur chance aux jeux de l’amour et du hasard dans de sombres recoins. Tout était codifié depuis des centaines d’années à Oxford, et chacun connaissait la place qui lui était dévolue dans cette citadelle du savoir. Si l’admission à l’université était considérée comme un privilège – après tout on y formait depuis le XII e  siècle l’élite intellectuelle du pays –, l’appartenance à l’un des trente-huit collèges, villes dans la ville, relevait légitimement de la fierté clanique. On n’était pas d’Oxford mais de la maison de Corpus Christi, de St Edmund, de All Souls, de Regent’s Park ou d’Exeter. Et pour chacun, son église et son blason. Caducée et flancs verts pour Green Templeton, gueule or et sable pour Wolfenson… Chaque collège jouissait d’une grande autonomie, en pourvoyant à ses élèves gîte et couvert et même activités sportives. Le tout sous la conduite de tutors , doyens, recteurs, principaux et autres fellows teachers , tous officiers de cette armée du savoir.
    Dans cette cité labyrinthique, chacun suivait son chemin selon les droits et les devoirs qui lui incombaient sans sortir du cadre qui lui était fixé par son collège.
    Au cœur de la ville, caché par l’imposante masse des bâtiments de Regent’s Park, réputé pour ses théologiens, se nichait un édifice de pierres grises et sales… Construit en 1745, lors du règne d’Elizabeth I, il était l’un des plus modestes édifices d’Oxford. Le chancelier de l’université, un homme loué par ses pairs pour son grand pragmatisme, y avait installé une partie des services administratifs dans l’aile ouest du bâtiment. À l’opposé, se trouvait un grand hall marqueté de boiseries piquetées par le temps, un vestibule d’apparat qui avait perdu de sa prestance et un peu plus loin, au terme d’un couloir défraîchi, une bibliothèque annexe remplie de quelques milliers d’ouvrages. Rien à voir avec le fonds de huit millions de volumes de la « Bod », la bibliothèque bodleinne de Radcliffe et ses cent soixante-seize kilomètres de rayonnages, ou avec celui de la Hooke. Non, ici s’entassaient les ouvrages les moins précieux de la collection de l’université, qu’il fallait bien garder quelque part. Presque personne n’y mettait les pieds, leur contenu n’en valait pas la peine. La décoration de la salle de lecture n’avait en soi guère d’intérêt si ce n’était la présence de deux petites statues d’Anubis en basalte posées sur des piliers à l’entrée. Les deux chacals montaient la garde d’un air sombre, faisant comprendre aux étrangers qu’ils n’étaient pas les bienvenus.
    Tout au fond de l’édifice se nichait un petit bureau séparé du monde extérieur par une vitre triste et jaunie. Le royaume du bibliothécaire, un homme d’une soixantaine d’années, peu aimable, qui envoyait paître les rares curieux égarés. Il occupait ce poste trois heures par semaine, ce qui correspondait exactement aux horaires de consultation de la bibliothèque. Et encore, les jours d’ouverture variaient en fonction d’une logique qui échappait au bon sens.
    Un visiteur attentif perdu en ce lieu improbable aurait remarqué une simple porte en bois anthracite, juste derrière le bureau du bibliothécaire. En poussant cette porte, il aurait pénétré dans un lieu étrange. Une grande salle de briques noires, rectangulaire, hermétiquement close. Le plafond, plus ténébreux, ne présentait aucune aspérité. Plaquées contre les murs nord et sud, deux rangées de fauteuils recouverts de velours noir se faisaient face. Au centre, il n’y avait qu’un sol de marbre sombre. Au fond, un simple bureau, foncé lui aussi, planté sur une estrade surélevée avec en arrière-plan, sur le mur, un crâne peint en rouge écarlate.
    Des faisceaux lumineux très fins éclairaient les visages des douze hommes et femmes assis en silence.
    Six de chaque côté. Les hommes étaient en costume noir, les femmes en robe sombre. Les mains posées à plat sur leurs genoux, ils regardaient en direction de l’occident, vers l’homme installé derrière le bureau. Le jeu de lumières faisait ressortir les treize visages pâles comme des spectres flottant sur un océan de ténèbres.
    Si notre observateur était arrivé un peu plus tôt, il aurait vu ces

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