Le Temple Noir
les deux Anglais geindre à terre. Des faibles qui ne méritaient aucune pitié, comme la Louve qui avait subi le châtiment mérité.
Le cube et lui ne faisaient plus qu’un, pour l’éternité. La beauté des ténèbres lui apparut. Il comprit que sa voie était de répandre la vérité de la noirceur de toute chose. La lumière n’était qu’illusion.
Il leva la tête et vit soudain le visage du Templier de marbre. Le chevalier le fixait, comme s’il contemplait son âme, et l’infinie tristesse de son regard se répandit dans l’esprit de Marcas, comme une coulée de lave brûlante. Une voix résonna dans sa tête.
« Ne succombe pas à la tentation. Résiste à son pouvoir. »
Antoine vacilla. Il savait qu’il était victime d’une hallucination. Sa raison reprit possession de lui. Il posa le cube à terre et se redressa. Les vibrations maléfiques cessèrent.
Standford s’était levé le premier, son regard était à nouveau normal. Il balbutiait :
« Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai cru devenir fou. »
— Je sais, ça a failli m’arriver. Partons de ce lieu maudit, ajouta Antoine, un peu groggy.
L’Anglais ramassa le coffret d’un geste.
— Il faut prendre la pierre.
— Non. Elle est le Mal.
— Ce n’est pas à nous de juger. Elle est propriété de la Couronne, de la même façon que le trésor des Templiers a été remis à la France et au Vatican.
— Tu fais une erreur… répliqua Marcas qui aperçut un fragment de la pierre contre le monolithe.
Il se baissa comme pour nouer son lacet et ramassa le morceau brisé. Fainsworth s’était remis à son tour et se massait la nuque.
— On dirait que ton frère anglais joue cavalier seul…
Standford avait déposé la pierre dans le coffret et prit l’ensemble sous son bras. De l’autre, il indiquait la sortie à Marcas et Fainsworth.
— On repart. Ne m’en veux pas, Antoine, j’ai beaucoup de sympathie pour toi. Je te le jure : la pierre servira à un bon usage.
Ils s’éloignèrent de la salle au dôme, traversèrent à nouveau l’antichambre au sol rongé d’acide et montèrent l’escalier. Arrivé à la dernière marche, Fainsworth tourna la tête vers Antoine et ricana :
— Frère Marcas, selon toi, pourquoi Wren a entreposé cette pierre en ce lieu de ténèbres et pas à Saint-Paul, demeure de Dieu ?
78
Londres
Royal Exchange
De nos jours
L’odeur âcre de salpêtre imbibait tout l’escalier. Standford toussa et poussa le dos de Fainsworth du canon de son arme.
— Cesse tes bavardages. Monte !
Antoine était troublé. Exalté, le lord continuait à parler :
— On est au cœur du Royal Exchange ! La Bourse de l’époque, ça ne te parle pas ? C’est à partir de sa reconstruction que l’Angleterre a connu son expansion la plus forte. Toutes les Bourses viennent d’ici, tout le système mondial de la finance a été inventé dans cet endroit précis. Le mausolée dédié au frère Roncelin est juste en dessous du Square Mile, le cœur historique de la City. Quant à la Banque d’Angleterre, la plus puissante du monde, elle a été construite face au Royal Exchange. Tu ne devines pas ?
Les trois hommes montaient en soufflant. Antoine lâcha sans conviction :
— C’est quoi, ce délire ?
Fainsworth haussa la voix.
— Tu as des yeux et tu ne vois pas . Wren n’a fait que convertir l’énergie religieuse de la pierre en une corne d’abondance pour le royaume. Il a créé une nouvelle religion, celle de l’argent et de l’échange de marchandises. C’était un esprit éclairé, comme beaucoup de libéraux de l’époque ; il pensait que le commerce entre les hommes était le meilleur moyen d’arrêter les guerres. De bâtir des ponts entre les pays. Comme l’ont fait les Templiers avant lui en se lançant dans l’activité bancaire à travers l’Europe.
— La mystique du capitalisme… Quand on voit les dérives de la Bourse, je ne suis pas certain qu’il ait vu juste, répondit Antoine.
— C’était un immense visionnaire ; partout où le commerce a progressé, le niveau de vie des populations s’est accru et les religions ont perdu de leur emprise.
— Ça suffit, Fainsworth. Tu auras tout le loisir de raconter tes élucubrations à des psychiatres, gronda Standford.
Le maître du Temple Noir ignora son compatriote et continua :
— Réfléchis. Les trois grandes religions monothéistes se sont bâties sur la pierre. Toute leur
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