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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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pourrais le regretter, Provençal.
    D’un revers de main, Roncelin fit siffler son gant de fer devant le visage du Devin.
    — Prends ça comme un avertissement. Le dernier homme qui m’a menacé a fini avec ma hache entre les deux yeux.
    Le Devin resta un moment immobile. Dans ses yeux veinés de gris, un reflet sombre s’installa. Il fixa successivement Roncelin, puis Guillaume, et cracha par terre. Le colosse saisit sa masse, mais le Provençal s’interposa.
    — Hors de ma vue, sorcier.
    Dépité, le Devin tourna les talons.
     
    La dernière pièce tomba sur la balance. Un léger frémissement agita les plateaux et l’équilibre fut atteint. Khoubir, qui s’était porté garant de la transaction, posa la main sur son cœur et, dans un murmure, remercia Allah. La nuit avait été longue. Les marchands, une fois réchappés du pillage, avaient tenté, par tous les moyens, d’abaisser le montant de la rançon. Le chef des gardes avait dû les convaincre, non sans mal, de leur chance inespérée. Puis il avait fallu déterminer la part de chacun. Le chaos avait recommencé, tout le monde voulait bien que la rançon soit payée, mais nul ne voulait dénouer les cordons de sa bourse. Chacun pleurait misère, jurait qu’il était ruiné ; ce fut Boufeda qui imposa la solution. Excédé par la veulerie de ses pairs, il annonça qu’il paierait la totalité du tribut. Un flot soulagé de bénédictions s’éleva, mais s’arrêta net quand il précisa qu’il faudrait le rembourser, lui, et avec intérêt. La menace fit son effet, nul ne souhaitait être en dette avec un homme tel que Boufeda dont le sens plus qu’exigeant des affaires était proverbial. En peu de temps, un accord fut trouvé et chacun partit chercher la somme qu’il devait.
    Roncelin contrôla encore la balance puis se leva. Tout en accrochant le cor d’ivoire à sa ceinture, il fit signe à Khoubir.
    — Les familles d’Al Kilhal ont tenu parole, je tiendrai la mienne. Dis-leur que nous allons commencer à libérer les otages.
    Le chef des gardes se tourna vers la place où étaient regroupés les musulmans. Un murmure d’approbation parcourut la foule. Le Provençal s’approcha de Khoubir.
    — Dis-leur aussi de désigner trois notables. Ils récupéreront les premières captives. Douze femmes.
    Le chef des gardes s’inquiéta.
    — Cela va demander beaucoup de temps. Les hommes, sur la place, risquent de s’énerver.
    Roncelin leva sa main vers les arcades. Des archers venaient de prendre position sur la terrasse.
    — Voilà de quoi les rendre compréhensifs et patients.
    Accablé, Khoubir retourna expliquer les conditions. Roncelin appela Guillaume.
    — Tu as réparti les plus âgées comme je te l’ai ordonné ?
    — Oui, quatre dans chaque mosquée. Le vieux Juif est aussi sous bonne garde.
    Posément, le Provençal revit la position des mosquées dans la ville et évalua chaque distance.
    — Avant qu’ils les aient toutes récupérées et conduites ici, il se passera au moins une heure.
    Khoubir parlait à la foule devenue silencieuse. Les archers étaient désormais visibles au-dessus du parapet des arcades. Quant aux entrées de la place, des gardes les tenaient barrées. La voix de Khoubir prenait des intonations rauques. À tout moment, la foule exaspérée pouvait se retourner contre lui. Il jouait sa vie et il le savait.
    — Et pour les autres femmes ? interrogea Guillaume.
    Implacable, le soleil commençait à dévorer l’obscurité sur la place. Roncelin tendit sa botte vers une dalle que le jour gagnait. Un filet cru de lumière joua sur le cuir souillé de sang.
    — Prends le Borgne avec toi et dis aux Syriaques que les enchères sont ouvertes.
     
    La mosquée d’Omar était la plus grande de la ville. Selon la tradition, un ange avait posé la première pierre et on montrait encore, à un des angles, un fragment de monolithe noir usé par le temps. Quoique peu enclins à la superstition, les musulmans entouraient cette pierre d’une vénération discrète. Les marchands, la veille du départ d’une caravane pour une destination lointaine, ne manquaient pas de venir poser leur main inquiète sur la pierre noire. Assis devant la porte, le Borgne écoutait l’interprète débiter les légendes sur la mosquée. À l’intérieur, les Syriaques faisaient leur marché. Ils avaient une heure, pas plus, pour faire une offre. Le Borgne tendit l’oreille, mais n’entendit rien. Les murs de la

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